Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/182

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Dont le gain se peust dire égal à nostre perte,
Si pour rendre la France à tout jamais deserte
La mort trenchoit vos jours par vengeance de voir
Vostre heureuse vertu mespriser son pouvoir ?
Ô grand roy, ce desir de gloire perdurable
Qui de vostre pensee est l’hoste inseparable,
Et par qui si souvent nostre teint a blesmy,
Est vostre plus mortel et plus fier ennemy :
Ne prestez pas l’oreille au conseil qu’il vous donne,
Il veut en vous perdant perdre ceste couronne,
Et pour un peu d’honneur destruire en un moment
De tout ce grand estat le royal bastiment,
Comme dedans Argos il ruina l’empire
Que bastissoit la main du vaillant roy d’Epire.
La valeur du soldat recognoist d’autres loix
Que ne fait la puissance et majesté des rois :
Le plus fameux laurier qui ceigne un diadesme
Se doit à la conduite : et la victoire mesme
Acquise avec le fil du trenchant coutelas
Se voit naistre plustost, comme une autre Pallas,
Du chef en commandant, sans peril et sans peine,
Que du bras dont l’effort ensanglante la plaine.
Bien nous fut-il besoin peu de mois sont passez,
Qu’en redressant l’honneur des beaux lis terrassez,
À la sage conduite il vous pleust de conjoindre
La valeur de l’espee, et fait égal au moindre
Des vulgaires soldats, exposer à la mort
Ceste auguste grandeur d’où prend tout nostre sort.
Mais puis que des françois l’invincible genie
Par vous a surmonté la rebelle manie,
Que les lis ont repris leur premiere beauté,
Et que nostre oeil revoit l’antique majesté
Du royaume et des loix dedans son thrône assise,
Il ne faut plus donner au malheur tant de prise