Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/241

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Que ces cuisans souspirs, que cet honneur amer
De pouvoir maintenant au cercueil l’enfermer :
Et si, j’estimeray la fatale inclemence
Ne m’avoir point du tout laissé sans recompense
M’accordant ceste grace, ains beniray mon sort
De l’avoir peu servir encor apres sa mort.
Ainsi dy-je, et ces mots firent en mes paupieres
Renaistre derechef deux larmeuses rivieres.
Et lors, d’un regard trouble oeilladant le plancher
Qui parut à mes yeux de son sang se tascher,
Ah (dy-je) illustre sang, les ames infidelles
D’un peuple forcené tousjours se riront-elles
De t’avoir sur la terre impunément versé
Par le traistre couteau d’un meurtrier insensé ?
Quoy ? Ny l’honneur acquis aux thrônes des monarques,
Ny le respect qu’on doit à ces divines marques
Dont le front des grands rois vivement se gravant
Est un tableau de Dieu respirant et vivant,
N’ayans peu démouvoir leur sacrilege rage
D’oser un si barbare et si sanglant ouvrage,
Tout ce qui peut les cœurs justement émouvoir,
L’honneur, la pieté, la raison, le devoir,
Feront-ils point qu’au moins une ombre de vengeance
Donne à nostre douleur quelque vaine allegeance ?
Ô cieux ! Si d’un bon oeil regardant nos autels
Vous escoutez la plainte et les vœux des mortels,
Ne vueillez point laisser l’outrageuse manie
D’un si cruel forfait en ce monde impunie.
Cieux ennemis des cœurs pleins de desloyauté :
Vangez ce noble sang, vangez la royauté.
La majesté du sceptre est en luy terracee :
L’image du seigneur sous les pieds renversee :
Tout tant que l’univers recognoist d’empereurs,
Des peuples insolents regissants les fureurs,
Tous, tous sont outragez en ce cruel outrage
Qui fait faire à sa vie un si triste naufrage :
Et n’en vit pas un d’eux si craint ne si puissant,
Qui luy mesme de crainte en son lict palissant