Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/274

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Tesmoins les champs de Dreux où sa jeune vaillance
Offrit ses premiers fruits sur l’autel de la France :
Tesmoins ceux de Hongrie où le brave germain
Rougit du sang des turcs sa valeureuse main :
Puis ceux de Sainct Denys : puis ceux que la Charante
Pres de Jarnac arrouse : et la plaine sanglante
Où se sied Moncontour : et les rouges sillons
Que le combat d’Yvry sema de bataillons :
Outre infinis assaux dont nos rages civiles
Ont saccagé l’orgueil des plus superbes villes,
Et qui dedans la tombe à la fin l’ont mené :
Le malheur ayant fait qu’au siege infortuné
Qui pressoit de Roüen la muraille rebelle,
L’effort d’une sortie, et la meurtriere gresle
Des balles qu’eslançoient les mousquets ennemis,
Luy foudroya le pied, d’un coup qui s’est permis
Sur son estre mortel, ce qu’un trait homicide
Se permist sur celuy du vaillant Aeacide,
Le ciel les égallant, par un mesme malheur,
En espece de mort aussi bien qu’en valeur.
Or quiconque sois-tu que vers sa sepulture
A conduit le dessein ou la seule avanture,
Et qui dedans le marbre éclairant à l’entour
Vois luire les effects de la constante amour
Que sa chere moitié ranimant sa memoire
Porte encor à ses os, à son nom, à sa gloire :
Avec quelques regrets lamente son trespas :
Ou bien, s’il t’est donné de conduire tes pas
Dans la trace d’honneur qu’il a tousjours suivie,
Ne pleure point sa mort, mais imite sa vie.