Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/329

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 n’est plus d’Ilion, les troyens ont esté,
Le ciel en a l’empire en Argos transporté.
Les grecs regnent vainqueurs en la ville enflammee,
Le grand monstre de bois verse à bas une armee
De guerriers sans pitié qui naissent de son flanc :
Sinon met tout en feu, non moins qu’eux tout en sang.
Mille troupes d’ailleurs de fer toutes couvertes
S’y coulent à grands flots par les portes ouvertes,
En tel nombre qu’encor n’en arma jamais tant
Mycenes contre nous cent peuples excitant.
L’étincelant acier bousche l’estroit des ruës :
Par tout on voit flamber l’esclair des lames nuës,
D’un fil aigu, luisant, prest à donner la mort :
Et rien ne les combat, sinon l’aveugle effort
Du guet seul opposant sa foible resistence
Au débort d’un torrent si plein de violence.
Frappé de ces propos et de l’ire des dieux,
Presque tout hors de moy je m’emporte à clos yeux
Par le milieu du fer, du sang et de la flame,
Où me semond d’aller la fureur de mon ame :
Et par tout où j’entends tristement m’appeler
Le bruit de tant de cris qui s’eslevent en l’air.
Resolus de courir une mesme fortune
Se viennent joindre à moy par les rais de la lune,
Et d’une espesse trouppe encernent mon costé
Riphee avec Iphite au courage indompté,
Hypanis, et Dymas rencontrez par la voye,
Et Choroebe arrivé ces jours-là dedans Troye :
Choroebe jeune prince, et d’un cœur valeureux,
Qui des yeux de Cassandre ardemment amoureux,
Comme un gendre que Mars, non moins qu’Amour inspire,
Venoit pour secourir Priam et son empire :
Heureux, s’il eust ouy mieux que nous insensez
Les mots par sa maistresse en fureur prononcez.