Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/333

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Mais helas ! On ne doit en nul bien s’asseurer
Que la faveur des dieux ne fait point prosperer.
Voila que l’on trainoit dehors des sanctuaires
Du temple de Minerve, et d’entre ses mysteres,
Cassandre eschevelee, et tendant vers les cieux,
D’un regard plein de flamme, en vain ses tristes yeux.
Ses tristes yeux sans plus, car des cordes pressees
Tenoient ses tendres mains durement enlacees.
Choroebe la voyant si rudement traiter,
Insensé de courroux ne le peut supporter :
Mais desirant la mort, s’élance emmy la presse
Des soldats outrageants ceste jeune princesse :
Nous suivons tous l’ardeur du courroux amoureux,
Et les armes au poing nous nous ruons sur eux.
Icy, de prime abord il nous pleut sur la teste,
Des hauts sommets du temple, une fiere tempeste
De traits des nostres mesme, et leurs aveugles coups
Font naistre ignoramment un grand meurtre entre nous,
Par l’erreur qui s’engendre en leurs ames trompees
Des boucliers ennemis et des grecques espees.
D’ailleurs, voicy les grecs qui courroucez de voir
La princesse rescousse eschapper leur pouvoir,
Viennent de toutes parts fondre sur nous ensemble :
Ajax de qui l’ardeur à la foudre ressemble,
Et les deux fils d’Atree, et mille autres guerriers,
Et l’entiere escadron des dolopes meurtriers.
Comme quand sur le dos des ondoyantes plaines
L’orage fait jouster les contraires haleines
Des vents dont la fureur se creve en tourbillons,
Zephyre boursoufflant leurs humides sillons,
Et celuy de la gent que le midy colore,
Et celuy qui se plaist aux chevaux de l’aurore :
Les forests font grand bruit : et Neree irritant
D’un trident escumeux tout l’empire flottant,
Agite jusqu’aux bas des mers les plus profondes
Le tempesteux orgueil de ses mobiles ondes.