Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/340

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Ne se peut contenir, ains hastant son malheur
Il lasche ainsi la bride à sa juste douleur :
Homicide inhumain, si les mortels outrages
Touchent de quelque soin les celestes courages,
Vueillent un jour les dieux rendre à ta cruauté
Le loyer que dessert ta brutale fierté,
Pour ce barbare tour d’ame impie et meschante,
Dont tu n’as point d’horreur de voir ta main sanglante,
Qui sans aucun respect des autels ny des dieux
As meurtry mon enfant devant mes propres yeux,
Et de la mort du fils si laschement cruelle
As soüillé sans pitié la face paternelle.
Cet Achille fameux, que d’un tiltre menteur
Ta naissance se vante avoir eu pour autheur,
Ne se monstra pas tel, mesme en sa violence,
Vers moy son adversaire, ains eut en reverence
La vieillesse et la foy d’un roy le suppliant :
Rendit finablement, son courroux oubliant,
Le corps de mon Hector aux droits de sepulture,
Et me remit à Troye exempt de toute injure.
Ainsi dit le vieillard, puis de sa foible main
Lance un dard qui sans force, ayant attaint en vain
L’airain retentissant, et frustré de l’entree,
Se pend à la couronne à demy penetree,
Qui se recueille en pointe au nombril du pavois :
Surquoy Pyrrhe repart d’une orgueilleuse voix :
Or va donc raconter aux ombres de mon pere
Les traits de cruauté que ton oeil m’a veu faire,
Et ne luy cele point que son fils malheureux
Degenere en vertu de ses faits valeureux :
Meurs dés cette heure icy. Ce disant il le traine,
Arraché hors des bras de la dolente reine,
Tout tremblant de trop d’âge, et sans cesse glissant
Dans le sang de son fils le pavé rougissant,