Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/513

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 soif des thresors de la terre,
Et tous les maux appris à luy faire la guerre,
La forçant de quitter ces miserables lieux,
L’ont contrainte à la fin de revoller aux cieux.
Ou si la terre encor l’arreste en ses limites,
C’est entre les chinois, ou les turcs, ou les scythes,
Mais en tout ce climat à peine est il resté
Quelque marque à nos yeux qu’elle l’ait habité.
La cruelle Adicie en sa place est assise :
La haine, la faveur, la fraude, et la faintise,
Chassant des jugements l’honneur et la vertu,
Font du tortu le droit, et du droit le tortu.
L’art et la tromperie y tiennent leurs escholes :
Les loix et la raison ne sont plus que paroles,
Car on n’y peze plus la raison ny les loix
Qu’en des banlances d’or où l’or seul est de poids.
Le vieillard poursuivoit en termes tousjours mesmes
Quand l’ange interrompant le cours de ces blasphemes,
Ô bon pere, dist-il, la recente douleur
De quelque grand procés perdu pour ton mal-heur,
Tire (à ce que je voy) ces propos de ta bouche
Pardonnables peut estre au regret qui te touche :
Mais l’oeil des passions voit mal la verité.
Cela dit, et guidant ses pas d’autre costé
Vers un dont il jugea l’ame moins traversee,
Et presque en mots pareils s’enquerant de Dicee,
Cestuy-cy par accort, et d’un parler plus doux,
Certes, dit-il, mon fils, peu d’hommes entre nous,
Quoy qu’un rayon celeste en leurs ames s’espande,
Pourront facilement respondre à ta demande.
Car tel la jugera loger en un endroit,
Où l’autre qui s’y plaint qu’on estouffe son droit,
Jurera par le ciel et tout ce qu’il embrasse,
Qu’il n’en demeure pas seulement une trace :