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Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/522

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Des rayons de vertu dont la gloire est si grande.
Car l’effort de ton bras ne se voit employer
Qu’aux saisons ou la guerre ose tout foudroyer :
Mais quand la douce paix fait fleurir les provinces,
Alors on te reserre aux cabinets des princes,
Entre les corselets ou qu’ilz ont despoüillez,
De l’amour du repos sagement conseillez,
Ou que les changements des usages mobiles,
Pendent aux rateliers en harnois inutiles.
Mais moy, je sers en guerre, et sers encore en paix.
Car c’est moy qui l’engendre, et l’anime, et la pais
De prevoyants edicts, de conseils pacifiques.
D’amiables traitez, de prudentes pratiques,
Bref de tout ce qui peut rendre des rois amis,
Ou regler ceux qu’on tient à son sceptre soumis ;
D’où si quelque heureux fruict s’espand sur la patrie,
La loüange en est deuë à ma seule industrie.
Mais quel estat au monde à jamais peut fleurir,
Ou plustost quel estat ne s’est point veu perir,
Manquant de ma conduite, et laissant la fortune
Seule regir le cours de la barque commune ?
Qu’elle humaine action, ou dessein, ou penser,
A peu jamais sans moy d’heureux fruict avancer ?
Quelle grande maison ou publique ou privee,
S’est jamais sans mes loix bastie ou conservee ?
Tous les plus nobles arts, tous les mestiers humains
Qui conceus du cerveau s’enfantent par les mains,
Ne me tiennent-ils pas la matrice feconde
D’où s’éclot leur naissance et premiere et seconde ?
Les conseils plus amis qui sont donnez sans moy,
Peut-on pas les nommer trompeurs de bonne foy,
Qui d’un avis aveugle, et mauvais sans malice,
En cuidant garantir poussent au precipice ?
Non, non, rien icy bas ne sçauroit se passer
Des rayons lumineux dont j’esclaire au penser :
Je suis le vray soleil de actions humaines :
Sans moy le seul hazard a l’honneur de leurs peines :