Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/544

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Qui ravissant la palme aux plus vieux empereurs,
A faict icy mourir de pareilles fureurs,
Par de si doux moyens, que plustost on les pense
Effects d’heur tout divin, que d’humaine prudence.
Soit prudence ou bon-heur, puisse-il en tous les deux
Egaller ses beaux faits, et surmonter nos vœux :
Et pour voir en repos fleurir son diadême,
Obtenir l’un du ciel, et l’autre de soy-mesme.
Je sçay bien qu’un grand prince estant né pour les arts
Qu’on apprend à la guerre, és conseils, és hazards,
Le vray livre des roys entre les necessaires,
C’est le livre parlant des publiques affaires :
Mais pour ce que noste âge en peu d’ans est compris,
Et que trop peu sçauroient les plus rares esprits
Qui ne seroient sçavants qu’en la simple science
De ce qu’un âge seul puise en l’experience,
Afin qu’il voye ensemble et tous les accidents
Que luy monstrent ses jours, et tous les precedents,
Qu’il expose à ses yeux les tableaux de l’histoire,
Et que des autres grands contemplant la memoire,
Il espluche leurs faits, leurs conseils, leurs discours ;
Ce qui s’est faict d’illustre, ou d’estrange en leurs jours,
Ce qu’on en doit fuir, ce qu’on en doit apprendre,
Et si leur vie honore, ou diffame leur cendre :
Qu’il s’y mire soy-mesme, et regarde en autruy
Si ce qu’on a escrit, s’escrira point de luy.
Car les vers et les chants ne sont rien que loüange,
Mais bien souvent ce style en l’histoire se change ;
Et tel prince en vivant est aux dieux comparé,
Qui gisant au tombeau voit son nom dechiré,
Non moins que sa memoire abhorree et maudite,
Si le cours de sa vie a faict qu’il le merite.
Que se doit-il encor à ces vœux adjouster ?
Rien sinon qu’on le voye en ses meurs rapporter
Ainsi qu’en un portraict la vive ressemblance
Des deux grands demy-dieux dont il a pris naissance :
Et qu’en mille vertus le ciel le rende tel,
Que ne pouvant son nom estre autre qu’immortel,