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Page:Berteval-Le theatre d'Ibsen, 1912.djvu/301

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LE PETIT EYOLF


constances pourront toujours réveiller. Enfin Rita est riche, elle a apporté avec elle « tous les trésors de Golconde. » Allmers, qui était obligé de courir le cachet, pourra travailler à ce qui lui plaît, et faire à sa demi-sœur une vie aisée et élégante.

On le voit, le rêveur a fait la part des réalités. En vain prétendra-t-il, dans une heure d’irritation, avoir épousé Rita afin d’assurer l’entretien d’Asta, nous sentons que cet homme se leurre encore, et que cette fois il a cédé à l’appel de la vie, du bonheur et de l’amour.

Et cet intellectuel qui se connaît mal, et juge la vie à un point de vue faux, a entrepris la composition d’un livre sur la responsabilité humaine. Un tel ouvrage, d’un tel auteur, ne pourra être que purement théorique, à côté de la réalité. Il n’en excite pas moins l’enthousiasme d’Asta, qui a été si longtemps la confidente idéale d’Allmers et partage encore toutes ses pensées.

Mais Rita, la femme, en est jalouse : ce livre lui prend le cœur de son époux. Celui-ci, au moment où il se plonge dans les idées, ne songe plus à elle, la créature d’amour. Et cet amour porte son fruit : pendant qu’Allmers médite un ouvrage abstrait sur les responsabilités, sa femme lui donne le petit Eyolf, l’enfant, le premier gage de leur tendresse, et devant l’inventeur de systèmes place la première responsabilité.

Le théoricien n’a pas compris. Sans doute il s’occupe de son enfant, mais c’est pour lui donner une éducation toute livresque, pour en faire un être à côté de la vie et semblable à-lui. Et tandis qu’il s’égare dans les