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Page:Berthaut - Les Petites Provinciales.djvu/14

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n’existent nulle part ailleurs sur terre. Mais j’étais habituée à les posséder et je n’en ai compris toute l’incomparable valeur que lorsque j’en ai connu la nostalgie.

Ceux qui sont restés à Paris me disent toute la fatigue, tout le surmenage, tout le gaspillage d’énergie, tout l’éparpillement de soi-même auxquels il faut se résoudre tous les jours, toute l’année, toute la vie quand on vit à Paris. La journée d’un parisien, Paul Weil chante cela à la Lune Rousse, sur un ton monotone, haletant et résigné, et il y a probablement bien du vrai dans cette scie satirique. Mais c’est égal, je ne peux pas croire qu’on ne soit heureux à Paris qu’à minuit vingt-deux, je ne puis pas le croire, parce que je sais bien que ce n’est pas vrai, parce que mes parents y ont été heureux, parce que j’y ai été heureuse jusqu’à vingt ans, et parce que tous ceux qui n’y sont pas n’ont qu’une idée fixe, c’est d’y être.

Mon cher ami, il n’y a rien de borné et d’ignorant du monde entier comme une petite parisienne de vingt ans, même lorsque elle connaît des musées, des musiques et des livres. S’imagine-t-elle qu’il existe sur terre autre chose que Paris, autre chose que des Parisiens, des idées et des