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AVELLANEDA

S

allait donner une suite à son roman. En 4614, parut sous le nom A’Alonso Pernandex, d’Avelianeda, natif de Tordesillas, un livre intitulé : La segunda parte del ingenioso hidalgo D. Quixote de la Manchet ; Tarragone, in— 8. Dans la préface, l’auteur insultait Cervantes, l’appelait bourru mélancolique, fanfaron orgueilleux, pauvre diable ui avait tàté de la prison, vieux radoteur, manchot, etc. In conçoit la colère et l’indignation du vieux romancier aiusi bafoué et dépouillé de son idée ; aussi il se hâta d’achever son œuvre. Suivant Ticknor, il avait déjà composé la plus grande partie de son Don Quichotte quand l’ouvrage d’Avelianeda parut, et celui-ci aurait eu communication du plan de Cervantes. Selon Ph. Chasles, au contraire, Cervantes se serait attaché à suivre le plan d’Avelianeda et à montrer ainsi combien il lui était supérieur par la peintura des caractères et l’intérêt du récit. Quoi qu’il en soit, il y a bon nombre d’incidents qu’on retrouve dans les deux ouvrages. La plupart des critiques, Clémencin, Pellicer, Navarete, Sismondi, Ticknor, Nodier, Yillemain, Viardot, Puibusque jugent le roman d’Avelianeda ennuyeux et pesant, plein de grossièreté et d’invraisemblances. Lcsage qui le traduisit en français à sa manière {Nouvelles Aventures de Don Quichotte de la Manche, Paris, 1704, 2 vol. in-12) lui a consacré une préface laudative. Don Augustin Montiano y Lyondo, qui donna du texte d’Avelianeda une édition à Madrid , en 1732, prétend que le continuateur est plus sérieux, plus logique, plus vrai et mieux ordonné dans son plan que Cervantes. Germond de Lavigne, qui l’a traduit en français en 1853, partage à peu près cette opinion ; enfin l’ouvrage a eu, il faut l’avouer, un certain succès et a été assez souvent réimprimé. Ph. Chasles dit « que c’est l’œuvre d’une créature venimeuse, non d’un imbécile. Il sait conter. Il a de l’imagination. Il combine vigoureusement ses effets Il cause, sinon avec goût, du moins avec audace ; il crée, il arrange, il marche, mauvais auteur après tout. La lumière du style ne colore jamais et ne vivifie aucune de ses créations. » — Quel était le véritable auteur de ce livre ? On ne peut admettre, avec les auteurs de plusieurs biographies générales, qu’il s’appelait Alonzo Fernandez de Avellaneda et qu’il fut natif du bourg de Tordesillas à la fin du xvi e siècle. Cervantes pensait qu’il devait être originaire d’Aragon, à cause de quelques particularités de style et de langage qui sentent cette province et cette opinion a été jugée fondée par tous les critiques espagnols. Les uns ont cru que c’était un dominicain, Juan Blanco de Paz, qui avait été l’ennemi de Cervantes à Alger ; de Lavigne pense que c’est l’œuvre des frères Argensola, ce qui parait peu probable ; d’autres et c’est de beaucoup le plus grand nombre, croient que sous le pseudonyme s’est caché le frère Luis Aliaga, confesseur du roi. Aussitôt après la publication de la première partie de Don Quichotte, on l’avait surnommé Sancho-Panza quoiqu’il fût très maigre, et il tenait peut-être à se venger de quelques traits dans lesquels il se reconnaissait. D’autre part, certains passages du livre d’Avelianeda font allusion à des procès de foi, et l’on sait qu’il était inquisiteur. Enfin un anonyme aragonais du temps, dans une poésie satirique, désigne frère Luis comme chevauchant sur Rossinante. Peut-être Cervantes savait-il à quoi s’en tenir à ce sujet ; on remarque, dans la seconde partie du Don Quichotte, une extrême réserve en ce qui concerne les choses de religion. E. Cat.

Biul. : V. la notice de Cayetano Rossell, en tête d’une édition de Avellaneda ; Madrid, 1851 , in-8. dans la Biblioteca (/.-.s an tores espaùolcs ; celle de Germond oe Lavigne en tête de la traduction parue à Paris, 185.3, in-8. — Pu. Chasles, Italie ut Espagne. Voyages d’un critique a tracera /a vie et les livres ; Paris, 18ii9, in-12. AVELLANEDA (Garcia de), comte de Castrillo, homme d’Etat espagnol du xvn 8 siècle. Après avoir étudié à Salamanque, il fut nommé auditeur de la chancellerie de Valladolid, par Philippe III ; Philippe IV le fit conseiller de Castille, conseiller d’Etat, vice-président du conseil des Indes et enfin vice-roi de Naples en 1633, en remplacement du comte d’Otrante. En 165 i, il eut à repousser une tentative du duc de Guise qui cherchait à reconquérir le royaume de Naples et, en 1656, il prit de sages mesures pour l’extinction de la peste qui désolait alors ce pays. En 1659, il revint en Espagne avec le titre de membre du conseil privé du roi, ayant cédé le gouvernement de Naples au comte de Pefiaranda. E. Cat.

AVELLANEDA (Doua Gertrudis Gomez de), femme poète espagnole, née à Puerto-Principe, dansl’ile de Cuba, en 1816, morte à Séville le 1 er février 1873. Elle vint en Europe, en 1836, séjourna en différentes villes d’Espagne et de France, se fixa à Madrid en 1840, épousa en 1846 le député Pedro Sabater, devint veuve peu après et s’enferma dans un couvent pendant deux ans. Elle se remaria en 1854 avec le colonel député D. Verdugo Masieu, mort en 1860. Gertrudis de Avellaneda s’était fait connaître de bonne heure par des poésies lyriques (sous le pseudonyme de Peregrina) : Poesias liricas, Madrid, 1841, petit in-8, recueil plusieurs fois réimprimé ; Composiciones poeticas ; Madrid, 1845, in-8. Elle aborda le théâtre par le drame Lconcia ; elle est la première Espagnole qui ait écrit pour la scène. Plusieurs tragédies d’elle eurent un grand succès : Alonzo Munio ; Elprincipe de Viana ; Recarcdo ; Saiil ; Balthasar, une des meilleures et des plus populaires ; Catilina, traduction de la pièce de Dumas ; ainsi que des comédies : La Hija de las flores ; la Aventurera, imitation libre de la pièce d’Augier ; Ordculos de Talia, d los Duendes en palacio ; la Hija del rey René, d’après le drame-vaudeville de Gust. Lemoine ; El millonario y la maleta ; la Verdad vence apanencias ; Très amores, etc. ; enfin un grand nombre de romans et de nouvelles intéressantes et quelques articles de revues. Sa dernière œuvre est un volume de poésies, Devocionario (1867). Ses œuvres complètes, avec une biographie et les jugements qu’on a portés sur son talent, ont été publiées sous le titre : Obras literarias, coleccion compléta ; Madrid, 1869-71, 5 vol. in-8. E. Cat.

AVELLANEDA (Nicolao), publiciste et homme d’Etat argentin, né le 1 er oct. 1836 à Tucuman, fils de Marcos Avellaneda, gouverneur de cette province, qui plus tard se souleva contre le dictateur Rosas et fut assassiné par son digne lieutenant Oribe (1842). L’orphelin dut s’expatrier avec sa famille, et ne revint qu’après la chute de Rosas (1851) suivre les études juridiques, d’abord à l’université de Cordova, puis à celle de Buenos-Ayres. Docteur en droit en 1859, il entra dans le journalisme et prit la direction de l’organe le plus important d’alors , El nacional. Elu député en 1860, il ne cessa d’être réélu pour chaque légisture de Buenos-Ayres. Eu 1861, il obtint la chaire d’économie politique à l’université de cette ville ; en 1866, il fut nommé ministre de l’intérieur de la province de Buenos-Ayres, et s’y fit une grande popularité ; en 1868, il reçut, du nouveau président , le D r Sarmiento, le portefeuille dô la justice, des cultes et de l’instruction publique. Dans ces dernières fonctions, il déploya une activité incomparable, de telle sorte qu’en peu d’années son pays, jusquelà assez arriéré sous le rapport de la culture intellectuelle, se plaça au premier rang parmi les républiques sud-américaines. Elu par le parti fédéraliste président de la Confédération argentine, il prit le pouvoir suprême le 12 oct. 1874. Tout d’abord il eut à combattre une insurrection du parti des nationalistes (anciens unitaires), provoquée par le fameux Mitre, son concurrent malheureux pour la présidence, et il le fit prisonnier (V. Argentine [république]). Sous son gouvernement, il y eut quelques échauffourées déterminées par des tentatives envahissantes des jésuites , mais il sut calmer les esprits et parvint tranquillement au terme de ses pouvoirs (12 oct. 1880), après avoir puissamment contribué au relèvement matériel et moral de sa patrie. On lui doit de nombreux travaux juridiques, parmi lesquels le traité : Terras de dominio publico, d’un intérêt capital pour les immigrants. G. Pawlowski.