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AVOCAT

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causediei. Quant au mot advocatus, il était réservé aux mandataires que, par exception au principe de la comparution personnelle, les évêques, abbés et autres privilégiés pouvaient envoyer en justice pour les représenter, et qui à l’époque féodale seront désignés sous le nom correspondant d’avoués ; ils faisaient pour leurs mandants tous les actes de la procédure, et subsidiairement prenaient aussi la parole en leur nom.

2° La procédure formaliste qui régna du ix c au xui° siècle dans les juridictions féodales rendit plus nécessaire encore aux parties l’assistance d’un tiers. La règle était que les paroles prononcées en justice ne pouvaient plus être rétractées ; obligées de formuler leur demande et leurs moyens de défense avec des précautions infinies, les plaideurs s’entouraient d’abord de « conseils » qui les éclairaient de leurs avis, puis prenaient pour interprètes des praticiens mieux instruits qu’eux des usages et des termes de la procédure, et qu’on nommait prolocutores, prœlocu tores, narrator es, en français porparliers, avant-parliers, amparliers, conteurs, sergents. Ceux-ci parlaient en présence et sous le contrôle de leurs clients, qui avaient la faculté d’avouer ou de désavouer leurs paroles ; c’étaient seulement les paroles avouées par le plaideur qui étaient considérées comme irrévocables et dont les juges tenaient compte. Praticiens plutôt qu’avocats, ils ne prononçaient pas de véritables plaidoiries, et cherchaient surtout, comme on peut le voir dans les Assises de Jérusalem, les Coutuîniers normands et le Conseil de P. de Fontaines, à faire preuve de dextérité ou de ruse dans l’emploi des formules, auxquelles la procédure attribuait une influence décisive sur le fond du débat (V. Avant-Parlier). On les retrouve à la même époque, dans les cours féodales de l’Angleterre, sous le nom de serjeant ; et dans celles de l’Allemagne, sous le nom de Fùrsprecher et Vorsprecher. 3° C’est à la fin du xu e siècle, dans les tribunaux ecclésiastiques, que reparaissent les avocats proprement dits. A cette époque marquée par la naissance des études juridiques, les évêques organisèrent en France des cours de justice, présidées par leur délégué ou officiai, et dont la procédure n’était autre que la procédure romaine, légèrement modifiée par les canons des conciles. Auprès de ces officialités se forma tout un corps d’advocati, dont les règlements furent surtout empruntés à ceux des corporations du basempire ; ils devaient, pour être admis à plaider, consacrer trois ans à l’étude du droit canonique et civil et à la pratique des affaires, et prêter devant l’évêque ou l’official un serment professionnel. Outre la plaidoirie, ils étaient chargés de la rédaction des principaux actes de la procédure, notamment du libellus ou demande introductive d’instance. Leurs honoraires furent soumis par le concile de Lyon (1274) au maximum de 20 livres tournois par affaire. Les clercs pouvaient exercer les fonctions d’avocats, mais seulement à titre gratuit et pour la défense des églises et des pauvres.

4° L’institution des avocats d’officialités réagit au xni 6 siècle sur la condition des hommes de loi qui assistaient les plaideurs dans les cours laïques. On en voit l’indice dans le traité de Beaumanoir, qui n’emploie plus pour les désigner le nom d’ avant-pari 1er, mais celui $ avocat, et qui leur trace des règles dans lesquelles le formalisme féodal est sensiblement atténué. On en trouve surtout la preuve dans l’ordonnance royale de Philippe le Hardi, en 1274, qui est visiblement inspirée des décisions du concile tenu à Lyon la même année, et qui soumet pour la première fois les avocats des cours séculières du domaine royal à une discipline commune ; elle les astreint à prêter chaque année un serment, aux termes duquel ils s’engagent à ne plaider que des causes justes et à ne jamais réclamer pour leurs honoraires une somme supérieure à 30 livres tournois. Ces prescriptions furent confirmées, en 1291, par une ordonnance de Philippe le Bel, qui y ajouta la défense d’employer des propos injurieux et de demander des délais frustratoires. Enfin un règlement émané de l’initiative du parlement en 1340, et confirmé par l’ordonnance royale de 1345, mentionne pour la première fois hrôle ou tableau, sur lequel les avocats devaient figurer dans l’ordre de leur réception.

5° A partir du milieu du xv e siècle, les avocats du parlement de Paris et des autres juridictions royales, soumis au serment et inscrits au rôle, formaient donc déjà un corps distinct, dont les membres avaient des droits et des intérêts communs. Le plus souvent, comme les magistrats royaux, ils n’avaient pas de résidence fixe, et suivaient les baillis de ville en ville, dans les assises ambulatoires du ressort. Vers la même époque un lien plus étroit, le lien religieux, groupa les avocats en confréries. A Paris ils formèrent, avec les procureurs, la confrérie de Saint-Nicolas, api célébrait le culte de ce saint par une messe dite chaque jour dans la chapelle du Palais ; le principal dignitaire était le bâtonnier, qui portait dans les cérémonies publiques la bannière ou bâton de la confrérie. Cette association purement religieuse, dont les statuts furent confirmés par le roi en 1342, donna naissance, au commencement du xv e siècle, à une association professionnelle, composée des mêmes membres, et qui s’appela la Communauté desprocureurs et avocats ; ses chefs avaient pour mission, d’abord d’administrer les revenus de la confrérie, puis de veiller à l’observation des ordonnances relatives à la procédure et de défendre les intérêts généraux de la corporation. Mais, dès la fin du xv e siècle, les avocats, dont la profession, investie de droits et de privilèges spéciaux, se séparait de plus en plus de celle des procureurs, n’assistèrent plus aux réunions de la Communauté que pour s’occuper des affaires de la confrérie, et formèrent, pour la garantie de leurs intérêrèts professionnels, une compagnie distincte, qui prit au xvi e siècle le nom A’ ordre des avocats. Elle comprenait alors plus de 400 membres ; ses représentants légaux étaient le doyen des avocats inscrits au tableau, et le bâtonnier de la confrérie de Saint-Nicolas, qui était élu chaque année par ses confrères, et qui devint, à partir de 1617, le chef unique de la compagnie. Jusqu’en 1662, l’ordre se réunit régulièrement en assemblées, composées de tous les avocats inscrits ; depuis cette date, comme le nombre croissant des avocats rendait les délibérations plus difficiles, il se divisa en dix sections ou colonnes, qui nommaient chacune deux délé gués ; ce conseil de vingt membres, renouvelé par moiti tous les ans, délibérait avec le bâtonnier les affaires d l’ordre et les mesures disciplinaires, et arrêtait avec lui le tableau annuel qui était vérifié par les gens du roi et déposé au greffe du parlement. — Les compagnies d’avocats qui se formèrent au Chàtelet de Paris (V. les ordonnances royales de 1327 et 1367), auprès des parlements provinciaux et dans les bailliages et sénéchaussées, eurent pour la plupart la même origine : à Toulouse, Bordeaux, Aix, Dijon, Bennes, Metz, Pau, comme à Paris, il existait des confréries vouées au culte de saint Nicolas et surtout de saint Yves, auxquelles se rattachaient des communautés de procureurs et d’avocats. Quand les présidiaux furent créés, en 1551, les compagnies d’avocats qui s’organisèrent près de ces nouvelles juridictions se recrutèrent parmi celles des parlements ou des bailliages voisins.

6° Les règlements auxquels la profession d’avocat fut soumise par les ordonnances et par l’usage jusqu’à la fin de l’ancien régime datent pour la plupart du xiv e , du xv e et du xvi e siècle ; il n’y eut postérieurement que des modifications dedétail. On peut grouper sous un petit nombre de chefs les principales dispositions de ces règlements. a. Conditions requises pour l’inscription art tableau. 11 fallait : 1° n’être exclu par aucune incapacité naturelle ou professionnelle (sourds, aveugles, fous, mineurs de seize ans, femmes, juges, notaires, sergents, religieux) ; les membres du clergé séculier étaient admis à plaider : au xiv 9 et au xv e siècle le barreau de Paris en comptait presque autant que de laïques ; 2° être de bonne vie et moeurs et