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BENOÎT — 204 —

plus décrié fut Nicole Coscia, un de ses domestiques, qu’il fit cardinal et secrétaire des Mémoriales. De là, des dilapidations qui augmentèrent les dettes de l’Etat, le trafic éhonté de tout ce dont la papauté pouvait disposer, et dans les mœurs une licence qui scandalisait les étrangers et même les Romains. — Dans un concile tenu à Saint-Jean-de-Latran pour la réforme de l’administration ecclésiastique, Benoît proclama la bulle Unigenitus règle de la foi. Cependant il publia un bref favorable à la doctrine de la prédestination et de la grâce ef ficace que les dominicains soutenaient contrairement aux jésuites. A la fin de son pontificat (1729), il autorisa la légende de Grégoire VII et condamna les édits imprimés en France contre cette entreprise de canonisation. Il reste de lui des Homélies sur l’Exode (Rome, 1724, 3 vol. in-4). E.-H. V.

Bibl. : A. Borgia, Vita Benedicti XIII ; Rome, 1741. — Commentatio de Concilio Lateranensi ; Leipzig, 1727.

BENOÎT XIII (Pierre de Luna), né en Aragon vers 1334 ; antipape élu le 28 sept. 1394, mort le 1er juin ou le 29 nov. 1424. De famille noble, il commença par étudier le droit, puis s’essaya dans la carrière des armes, enfin revint à la jurisprudence et l’enseigna à l’université de Montpellier. En 1375, il fut créé cardinal diacre Santa-Maria-in-Cosmedin, par Grégoire XI, le dernier des papes d’Avignon dont la légitimité ne soit pas contestée. Il fut un des douze cardinaux qui déclarèrent irrégulière l’élection de Urbain VI et provoquèrent ainsi le schisme. — Clément VII, le premier antipape d’Avignon, étant mort le 16 sept. 1394, le roi de France, sur les instances de l’université de Paris, fit écrire aux cardinaux d’Avignon de surseoir à toute élection jusqu’à ce qu’ils se fussent entendus avec ceux de Rome. Ils s’empressèrent, avant de décacheter ces lettres, d’élire Pierre de Luna, qui prit le nom de Benolt XIII ; ils avaient tous, il est vrai, juré que celui qui serait élu ferait tout pour la

Médaille de Benoît XIII, frappée l’année du Jubilé 1725. —
A Charlemagne, vengeur de l’Eglise romaine.


paix de l’Eglise, et céderait même la tiare, s’il le fallait. L’université et le gouvernement reconnurent Benoît, à la condition qu’il travaillerait à l’extinction du schisme : ce qu’ils’empressa de promettre en termes généraux, sans indiquer le moyen qu’il adopterait pour réaliser cette promesse. Il ne la renia jamais, mais il en éluda l’accomplissement jusqu’à la veille de sa mort, et il resta antipape pendant trente ans, en conflit avec les papes romains Innocent VII, Grégoire XII, Alexandre V, Jean XXIII, Martin V. L’histoire de cette longue résistance fait partie intégrante de l’histoire du grand Schisme d’Occident (V. ce mot) ; . elle n’en peut pas être utilement séparée.

E.-H. V.

Bibl. : Eug. Müntz, Notes sur quelques artistes avignonnais du pontificat de Benoît XIII, dans Bulletin de la Société des antiquaires de France de 1886.

BENOÎT XIV (Prospero Lambertini), 254e pape, né Bologne en 4675, élu pape le 17 août 1740, mort le 3 mai 1758. Nommé cardinal en 1728 ; il avait été évêque d’Ancone, et il était évêque de Bologne depuis 1731 lorsqu’il fut élu pape. En 1745, Voltaire lui dédia la tragédie de Mahomet ou le Fanatisme ; cette dédicace fut acceptée. Grimm appelait ce pape le plus infaillible de tous les successeurs du prince des apôtres ; Joseph II le proposait aux


cardinaux comme le modèle de tous les papes désirables ; les souverains hérétiques ou schismatiques qui eurent à traiter avec lui se félicitaient de son esprit de conciliation. Benoît XIV fut donc un pape selon le vœu du xviii e siècle, toué par les philosophes et les hommes d’Etat, suspect au clergé et ridiculisé par les Romains, qui lui reprochaient ses manières laïques et se moquaient de sa canne de jonc. En 1756, il confirma la bulle Unigenitus ; mais dés 1744,

Médaille de Benoît XIV, frappée lors de la reconstruction
du portail de Sainte-Marie-Majeure (1741).


dans la bulle Ex quo singulari, il avait condamné les pratiques superstitieuses que les missionnaires toléraient ou favorisaient en Chine et dans les Indes. Dans un concordat conclu, en 1753, avec l’Espagne, il renonça, moyennant, compensation pécuniaire, à la collation des petits bénéfices ; en Autriche, il consentit à la suppression de quelques fêtes ; en Portugal, il donna au cardinal Saldanha le droit d’inspecter les maisons des jésuites, et il approuva toutes les mesures prises contre eux par ce cardinal et par le ministre Pombal. Il fit tout ce qui était possible pour rétablir l’ordre dans les finances et dans l’administration ; malgré la médiocrité de ses ressources, il embellit Rome et protégea efficacement l’agriculture, le commerce, les lettres et les arts. — Benoît XIV a beaucoup écrit : une édition complète de ses oeuvres a été publiée à Bassano (1788. 15 vol. in-fol.) ; une autre à Prato (1839-1846).

E.-H. Vollet.

Bibl. : Fabroni, Vita di Benedetto XIV. — Vie de Benoît XIV ; Paris, 1775 et 1785.

Saints.

BENOÎT (saint), de Nursie, instituteur d’ordre, fondateur et premier abbé de Mont-Cassin, surnommé le patriarche des moines d’Occident, né vers 480 à Nursie (Norcia), ville épiscopale de l’Ombrie. L’année de sa mort est diversement indiquée entre 539 et 543 ; quelques auteurs la reportent même à une date plus tardive. L’Eglise célèbre sa fête le 21 mars. Les principaux renseignements sur la vie de ce saint se trouvent dans des Dialogues attribués à Grégoire le Grand (540-604), mais qui sont rédigés en un latin beaucoup plus incorrect que celui des autres écrits de ce pape. C’est d’après les paroles de quatre disciples de Benoît, dont l’un aurait été son successeur à Mont-Cassin, que l’auteur prétend avoir transcrit ces récits, où les miracles abondent. — Les parents de Benoît étaient de haute condition ; mais les Dialogues n’indiquent point leurs noms : d’après une légende postérieure, son père se serait appelé Emporius et sa mère Abundantia, vocables qui semblent être des symboles d’opulence. On montre encore aujourd’hui à Norcia les ruines de leur palais et dans ces ruines un endroit dont on a fait un sanctuaire, parce que le saint y serait né. Il fut envoyé à Rome, pour recevoir une éducation libérale ; mais les désordres de ses compagnons d’étude le scandalisèrent et l’effrayèrent ; il s’enfuit à quarante milles de Rome et se confina en une solitude sauvage, dans le voisinage de Subiaco (Sublaqueum), vivant dans une caverne et visité seulement de temps en temps par un pieux ermite, Romanos, qui l’assistait en ses besoins les plus pressants. La caverne sanctifiée par Benoît fut appelée plus tard il sagro speco. La vertu du jeune anachorète y subit de rudes assauts. Comme tant