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DERTHAND

qu'il honorait le plus particulit">rement de sa confianoe étaient entrés en négociation avec les puissances étrangères, non pour démembrer la France, mais pour la soumettre et la contraindre par la force <lcs armes à renoncer à un système lie gouvernement auquel elle attachait son bonheur. Les ministres peuvent-ils C(mtester la réalité de la déclaration faite par l’empereur à Mautoue ? Prétendent-ils nier l’exactitude des détails hisloi’iques publiés à ce sujet par Hertrand de Moleville ? » (Morniiiq Chronirle du 4 févr.). L’ex-ministre de Louis XVI répondit, par une lettre aux journaux, « que sa main se serait desséchée plulcH que d’écrire une pareille imposture. > i.e roi, d’après lui, n’avait voulu provocpier en lùirope qu’une coalition sh)iult’i pour drclnrcv, mais non pour /«/)v la guerre à la France. Fox répartit : « ("eux (pii / ;■/(/«(■/(/ une coalition, qui ilcdaiviit la guerre ; ceux enfin (jui monacent, paraissent selon moi vouloir dicter par la force, et on peut dire sans être inexact ni injurieux que ceux qui négocient pour que de telles démarches aient lieu, ont encouragé les puissances étrangères à se mêler des alfaires de la France et même à lui dicter par force des changements dans son gouveraeraent. » Bertrand répondit iiuo la déclaration de Mantoue n’avait jias été publiée, que les révolutionnaires ne l’avaient pas connue, qu’elle n’avait pas été suivie d’effet et que par consécpient ce n’était pas la faute de Louis XVI si la France avait déclaré la guerre à l’Autriche en 179"2. Fox fit une nouvelle réponse : « La France, dit-il, sans savoir la déclaration de Mantoue, avait bien des raisons pour croire à une liaison de celte espèce, ce qui a paru depuis démontré. 11 me semble qu’en y ajoutant foi, elle a eu raison, elle a déclaré la guerre sur des apparences plus ou moins convaincantes : la déclaration de Mantoue, etc., etc., prouve qu’elle ne donnait pas trop depoidsàces apparences. » Cet important débat i’nt résumé dans une curieuse brochure : CarrespoiideNd’ bctween M. Bcrtnuiit di’ Molh’villc and the honnurable Chmies-James Fox (Londres, 1800, in-8). Hertrand de Moleville publia, en 1816, une seconde édition de ses Mémoires ("2 vol.). F.-A. AULARD.

BERTRAND de Ray ou de Rats, appelé aussi Bertrand DE Rayns ou de Reims, et Bertrand li Ci.os , naquit en Champagne ou en Bourgogne vers 1170, peut-être dans les domaines du sire de Chappes, l’un des chevaliers champenois qui prirent part à la quatrième croisade, ou dans ceux d’Olhon de Ray, devenu plus tard seigneur d’.thènes. Suivant quelques auteurs, son pore se nommait Pierre Cordièle et n’était qu’un simple serf. Ce qui est certain, c’est que Bertrand avait une origine roturière, son nom de Ray n’indiquant nullement qu’il ait été sire de ce lieu, mais désignant simplement l’endroit de sa naissance. On veut que dans la première partie de sa vie il ait été trouvère et ménestrel et qu’il ait, à ce titre, accompagné son seigneur à la première croisade. Mais aucune de ses œuvres ne nous étant parvenue, il serait probablement oublié aujourd’hui, s’il n’eût été le héros d’une aventure qui fit grand bruit de son temps. On sait que Baudouin IX, comte de Flandre, et premier empereur latin de Constantinople, avait disparu eu l"20a, après la bataille d’Andrinople, sans que l’on apprit exactement s’il y avait été tué ou fait prisonnier par son vainqueur, le roi des Bulgares, Joanice. Comme il re laissait point de postérité mâle , sa fille aînée, Jeanne, lui succéda dans ses domaines d’Occident ; mais trop faible pour continuer l’œuvre d’indépendance politique poursuivie par les coirtes ses devanciers, elle dut faire acte de vassalité envers la France, dont elle subit dès lors la domination. Cependant un parti national à la tète duquel s’était mis Bouchai d d’Aesnes, époux de la seconde fille de Baudouin, Marguerite, n’attendait que l’occasion de secouer le joug étranger. Il fallait à cet effet réunir la Flandre et le Hainaut sous le gouvernement d’un homme assez populaire pour être universellement accepté et obéi. L’occasion recherchée ne manqua pas de se produire. Fn 12-24, le bruit courut que le comte Baudouin n’était mort ni sur le champ do bataille, ni dans les prisons do Joanice ; qu’échappé de captivité, il était revenu en Europe ou, pris de dégoiU pour les vanités de ce monde, il n’avait pas voulu se faire reconnaître ; qu’il vivait actuellement sous l’habit d’un solitaire, dans les bois de (ilançoii, entre Valenciennes et Tournai. Aussitôt les chefs du parti national se rendirent auprès de ce personnage, qui n’était autre que Bertrand de Ray, et déclarèrent retrouver en lui les traits de leur ancien comte. Le solitaire s’en défendit d’abord avec force, mais on attribua ses dénégations au vœu d’humilité qu’il avait formé, on insista et l’on fit si bien que le pauvre homme, peut-être complice de l’atfaire, avoua être le prince que l’on croyait mort. Il raconta alors que fait prisonnier |iar le roi Joanice il avait évité la mort grâce à l’amour d’une princesse bulgare ; qu’il avait été vendu comme esclave et forcé de s’atteler à la charrue avec les bêtes de somme ; que des marchands allemands l’ayant racheté, il avait repris le chemin de la Flandre avec la ferme décision d’y passer le reste de ses jours dans la solitude. Cependant, en voyant l’étal d’abaissement de son pays il jugeait que son devoir était d’obéir à l’appel de ses anciens sujets en sortant de sa retraite et en reprenant le sceptre. La nouvelle de cette étrange réapparition se propagea rapidement dans la contrée, où le prétendu Baudouin alla sur-le-champ se montrer aux populations. Partout sur son passage éclatait le plus vif enthousiasme. Le |)arti national se groupa tout entier autour de lui. Plusieurs seigneurs voisins se reconnurent ses vassaux , et le roi d’Angleterre, Henri III, lui fit proposer une alliance. Cependant le roi de France, Louis VIII, inquiet de la tournure que prenait l’affaire, s’occupait d’arrêter le mouvement, de concert avec la comtesse Jeanne, qui s’était réfugiée auprès de lui. 11 invita le nouveau comte à une entrevue dans la ville de Péronne, en lui promettant de favoriser son rétablissement s’il démontrait d’une façon péremptoire qu’il était bien l’homme qu’il disait. Bertrand ne fit aucune difficulté pour accepter cette proposition, et se rendit à Péronne avec un nombreux cortège de chevaliers (30 mai 1225). Interrogé par le roi, il répondit d’abord avec beaucoup d’assurance et d’habileté, puis, certaines questions délicates lui ayant été posées, il se troubla, hésita et dit des choses si manifestement fausses que tout l’entourage de Louis VUl le traita hautement d’imposteur. Bertrand comprit alors qu’il était perdu. La nuit suivante (30 mai - 1"’ juin) il s’enfuit à cheval de Péronne, courut jusqu’à Valenciennes afin d’y prendre une somme d’or qu’il y avait déposée, gagna de là les bords du Rhin, passa à Cologne et à Liège, puis disparut. Malgré cette fuite, qui semblait confirmer les soupçons provoqués par l’entrevue de Péronne, ses partisans refusèrent de croire à l’imposture ; ils firent courir le bruit que Baudouin était parti incognito pour Rome dans le but de s’y faire reconnaître et proclamer par le pape, et qu’il ne larderait pas à revenir. Un mois se passa sans que l’on eût de ses nouvelles. Enfin, vers la fin de juin, un seigneur bourguignon, Erard de Chastenay, l’ayant retrouvé à Rougemont, sous les habits de ménestrel, l’arrêta et le livra, moyennant 400 marcs d’argent, à la comtesse Jeanne qui le fit pendre aux halles de Lille (vers le 1" oct. 122S). Avant de mourir, Bertrand confessa qu’il n’était qu’un pauvre serf, et que s’il avait voulu se faire passer pour le comte de Flandre, c’était par le conseil des chevaliers et des bourgeois du pays. Mais cet aveu ne convainquit pas tous ceux qui avaient eu foi en lui. Bien des gens accusèrent la princesse Jeanne d’avoir tramé sciemment la perte de son père dans le but de conserver à elle seule la souveraineté, et voulurent voir dans les malheurs qui signalèrent les dernières années du règne de cette princesse, la vengeance céleste du parricide qu’elle aurait commis. Ch. Kohler.

BiBL. : Di.NAUx, Tcotcéres c/k nord du la France ; Paris,