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BIBLIOTHÈQUE

aux étrangers (à la Sorbonne, on demandait seulement que ces éi rangers fussent accompagnés d’un nienilire de la communauté), on peut dire ([ue le travailleur sérieux trouvait de vraies facilités et pouvait assez, aisément consulter sur place ou emprunter les ouvrages nécessaires à ses études. Uans les autres villes, les ressources étaient évidemment moins aliondautes, beaucoup d’abbayes ne possédant ijue des bdiliothèques peu nombreuses, mal composées et en désordre.

En etl’et, sauf de raies exceptiims, les ordres religieux tombèrent vers la fin du moyen âge dans une irrémédiable décadence ; ils vécurent encore longtemps, ils piireut même part aux controverses religieuses et pliilosoplii(iues du temps, mais ceux (lui n’eurent pas le boubeur de subir une réfiunie salutaire, ne firent plus guère que végéter. Nous disons une réfoiuie ; il sutlit, en effet, de rom|)arer l’état des congrégations bénédictines de Saint-Maur et de Saint-Vannes avec celui des derniers monastères cisterciens. Les bibliothè(|ues mouastiiiues se ressentirent de celle situation différente ; négligées tout au moins, sinon dilapidées dans les abbayes en décadence, augmentées et entretenues dans les plus florissantes. L’anticjue libraiiie île Saint-(lermain-des-l’rés, par exemple, devient admirable au xvii" siècle ; on y entasse une partie des manuscrits de C.orbie, ceux de Saint-Maur-des-Fossés ; au contraire, h bibliothèiiue de Saint-Denis, célèbre durant tout le moyen âge, est en partie dispersée. Les collections des anciennes abbayes sont, on peut le dire, mises au pillage par les ordres nouveaux plus actifs, plus éclairés, les Jésuites par exemple et les Oratoriens, et servent à former les collections privées ou publiques. Ce sont les établissements religieux qui ont fourni les premiers éléments de la bibliothèque du roi, de la collection Colbert et de mille autres (]ui sont venues peu à peu enrichir les dépôts publics, l’ar contre, à la même époque, c.-à-d. au xvii" et au xviii* siècle, le caractère de beaucoti[) de bibliothèques change complètement ; de dépôts privés ou ouverts à une catégorie peu nombreuse de tiavailleurs, elles deviennent des collections presque publiques. Sans doute ce n’est pas encore la publicité presque absolue, telle qu’elle existe de nos jours ; les bibliolbè(]ues ne sont pas encore considérées comme des propriétés de l’Etat ou des villes, à l’usage de tous, mais l’accès en devient de jour en jour plus facile. La première bibliothèque vraiment publique que l’Europe ait connue est la bibliothèque .Ambrosienne à Milan, fondée par le cardinal Borromée (4608) ; en France, l’honneur d’avoir le premier pris une mesure aussi libérale revient au cardinal Mazarin, qui dès 1644, ouvrit ses collections au public, une fois par semaine, le jeudi. Au rapport de Gabriel Naudé, bibliothécaire de ce ministre, on y reçut jusqu’à quatre-vingts ou cent personnes en un jour. Vers le même temps, l’entrée de la bibliothèque du roi était fort difficile et on n’y pénétrait que par protections ; cet établissement ne devint réellement public qu’en 1737. L’eNcmple de Mazarin trouva bieivtôt des imitateurs ; vers 16o2, la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor est ouverte au public savant, et au xviii" siècle, Paris renfermait bon nombre de dépôts ouverts assez libéralement. Le nombre des bibliothèques de corporations, de communautés laïques et ecclésiastiques était d’ailleurs assez grand, et la plupart des gens d’étude à Paris, érudits ou litiérateurs, pouvaient user de quelques-uns de ces dépôts, tîien entendu qu’on ne soupçonnait pas encore l’utilité des bibliothèques populaires créées de nos jours ; sanf de rares exceptions, les bibliothèques mises à la disposition du public étaient destinées aux théologiens, aux magistrats, aux érudits, aux curieux ; les lecteurs ordinaires n’y auraient pas trouvé grande piture.

(^etle publicité restreinte donnée aux bibliothèques nous amené à parler des bibliothèques laMjues, de beaucoup les moins importantes sous l’ancien régime. 11 ne semble pas, à quelques rares exceptions près, que les villes aient eu au moyen âge de collections littéraires ; on a cité la bibliothèque de la mairie de Houen, dont les débris furent donnes à Colbert ; on a pu aussi retrouver dans les archives municipales des traités usuels de droit ou de médecine, des livres de piété, mais presipie toujours la présence do ces volumes étrangers ne s’explique |)as, et ils ne constituent pas les éléments d’une bibliotheiiue publique au vrai sens du mot. Au xviii" siècle, des etl’orts remarquables furent tentés pour doter quelques villes de collections littéraires ; citons la bildiothi’(|ue de la ville de Paris, donnée au lîureau de la ville par Moriau, aujourd’hui à l’Institut de Fiance ; la fondation de l’évêipu’ de Carpen-Iras, d’Iiigiiimbert ; à Toulouse, la bibliothèque du Collège loyal, aujourd’hui bibliothè(|ue municipale , et celle du clergé de la même ville, ouverte au public des I7H(i. La i ;ildiotli(’(|iie du roi, aujourd’hui liibliolhèque nationale, devant faire l’objet d’un article spécial, nous no la mentionnerons que pour mémoire. On doit seulement remarquer ipi’à l’origine elle a été une bibliotheiiue particulière, une propriété personnelle des rois de France. On a parfois exagéré l’ignorance des hautes classes pendant le moyen Age ; si beaucoup de seigneurs savaient à peine lire, d autres au contraire, et ils étaient assez noinl >icux, faisaient |)reuve de goûts littéraires. Cliarlemagne lisait et écrivait le latin et on possède quel(|ues traités du ix« siècle (|ui |)rouveiit que des dames de haute naissance savaient assez bien cette langue pour écrire des ouvrages d’éducation. Plus tard, au xi", au xii* siècle, si la plupart des nobles et des bourgeois laissent l’étude des lettres antiques aux clercs, tous s’intéressent dans une certaine mesure aux choses de l’esprit ; c’est pour eux (]u’écrivent les trouvères du Nord , les troubadours du Midi ; enfin dès lors les princes de la maison de Fran( ;e tiennent à honneur de n’être pas entièrement illettrés ; citons Robert le Pieux, au(|uel on attribue jilusieurs proses de l’église, Louis VI, élevé à Saint-Denis, Philippe-Auguste, etc. Tous ces princes ont di’i avoir des livres ; le premier qui paraisse avoir fondé une librairie est saint Louis ; il aimait même, dit-on, à l’ouvrir aux savants de son temps. Cettcs collection fut, il est vrai, donnée parlui aux couvents de Paris, mais presque tous ses descendants témoignèrent d’un goût passionné pour les beaux livres. Jean le Bon, l’un des moins intelligents à coup sûr, fit trailuire en français quelques-uns des grands auteurs de l’antiquité. Son fils, Charles V, possédait l’instruction d’un clerc, et la célèbre librairie du Louvre créée par lui et si malheureusement dispersée au xv" siècle, prouve l’étendue de ses connaissances. Les frères de ce prince, les ducs de Berry et d’Anjou, son fils, Louis d’Orléans, n’étaient pas moins instruits, et à leur exemple tous les grands seigneurs de la cour commandaient aux écrivains de somptueux volumes, dont beaucoup font aujourd’hui l’ornement des bibliothèques de la France. Mais c’est à une branche cadette de la famille des Valois, à celle des ducs d’Orléans, que nous devons pour ainsi dire la Bibliothèque nationale, car c’est la librairie de Blois qui en a fourni les premiers éléments. L’instruction, les goûts littéraires, encore rares au xv® siècle, se répandirent rapidement dans les hautes classes aux approches de la Renaissance, et si la cour des Valois sut sous François P et ses héritiers continuer les traditions éclairées des cours italiennes, la bourgeoisie riche imita heureusement cet exemple et produisit une pléiade de littérateurs et de savants. Aussi les collec.lions de manuscrits et d’imprimés se multiplient-elles en France à dater de l’an 1300 ; on ne saurait en retracer l’histoire ici. C’est des débris encore considérables de ces collections patiemment formées, que la Révolution a fait une propriété publique.

l’ar décret du 2 nov. 1789, l’Assemblée nationale déclara mettre les biens appartenant aux communautés ecclésiastiques à la disposition de la nation ; inutile de discuter ici la légitimité de cet acte célèbre ; il suffira d’eu