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À cinq heures, les prisonniers de la station furent invités à sortir de leurs cellules et à monter dans une grande wâgine, faite comme une grosse boîte noire, sur les deux côtés de laquelle on voyait l’écusson de la corporation de Montréal avec la devise « Concordia Salus ».

Cléophas entra dans la wâgine avec trois ou quatre de ses compagnons de malheur. Ceux-ci étaient des vauriens surpris en ribottant passé minuit dans un clos de bois.

La porte de la voiture se referma avec bruit et les prisonniers furent transférés à la Station Centrale, dans le soubassement de l’Hôtel-de-Ville.

Cléophas resta à jongler dans sa cellule jusqu’à huit heures du matin.

Alors M. Jules Pilon, un avocat distingué du barreau de Montréal, fit retentir ses grosses bottes sur les dalles du passage et s’arrêta devant la porte de chaque cellule pour avoir la défense du prisonnier qui y était enfermé.

Il arriva devant celle de Cléophas et il lui demanda s’il voulait s’assurer les services d’un avocat.

Le prisonnier lui répondit qu’il n’avait pas beaucoup d’argent. Il demanda à M. Pilon combien ça coûterait.

— Une piastre, dit l’avocat.

— Je n’ai pas ce montant-là.

— Tenez, je vois que vous êtes un pauvre homme, je vous défendrai pour cinquante cents.

— C’est bien malheureux, je n’ai que vingt cents pour toute fortune.

— Si c’est tout ce que vous avez, je vais le prendre. Donnez-les moi.

— C’est le sergent qui les a dans son pupitre.

— C’est correct, vous me paierez après votre procès. Avez-vous des parents en ville qui pourraient faire quelque chose pour vous ?

— Oui. J’ai ma femme qui reste à l’hôtel Donegana. Envoyez-la chercher, et je crois qu’elle me donnera quelques sous.

L’avocat se fit donner les noms des témoins et l’adresse de Madame Plouf. Après avoir dit qu’il écrirait un mot à la femme de Cléophas, il alla faire visite aux autres prisonniers.

M. Pilon ne perdit pas de temps. Il envoya un huissier à l’hôtel Donegana pour communiquer à Madame Plouf la malheureuse nouvelle.