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Le train de sept heures

Qu’allait-il faire à Montréal ?

Était-ce pour s’y assurer les services d’un entrepreneur de pompes funèbres de première classe ?

Non.

Le chapitre suivant vous expliquera l’objet de ce voyage.


V

OÙ CLÉOPHAS OBTIENT UN JOB MYSTÉRIEUX.


Cléophas ne resta pas longtemps au service de la corporation.

Sa besogne consistait à arrêter l’eau aux citoyens qui négligeaient de payer leurs taxes.

Un jour il fut traduit devant le comité pour répondre à l’accusation de favoritisme en donnant l’eau sans autorisation à un marchand de lait retardataire dans ses paiements.

Il reçut son congé et par l’influence de l’échevin Donovan, un Irlandais du Griffintown, fut nommé à sa place.

Cléophas frappa vainement à bien des portes pour obtenir de l’ouvrage.

Il se trouva jeté sur le pavé et réduit à lôfer sur les quais, pendant que sa femme s’échinait à gagner sa vie et celle de ses huit enfants.

Cléophas obtenait quelquefois un engagement temporaire pour charger les navires.

Il dépensait le salaire de sa journée à boire chez Joe Beef, il passait ses veillées dans un estaminet borgne du quartier Ste-Anne où l’on dansait le cancan avec des grisettes françaises.

Peu à peu, il s’associait avec les plus mauvais sujets du port.

Un jour après avoir travaillé à décharger du rhum d’un navire de la Jamaïque, il avait réussi à faire sauter la bonde d’une barrique. Entre midi et une heure, au lieu d’entrer chez Joe Beef, pour grignoter son lunch, il s’était muni d’une paille et humait la liqueur à bouche que veux-tu.