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— Bon. Partez et revenez au plus vite.

— Avant de partir, je paie quelque chose, dit Cléophas, qui sortit de sa poche un billet de dix piastres que le comte lui avait donné sur le quai.

Cléophas se colla une grosse cerise dans le fusil et sortit du restaurant de la mère Gigogne.

Dix minutes après, le roulement d’une voiture se fit entendre sur le pavé raboteux de la rue St-Vincent. Cléophas et le père Sansfaçon entrèrent dans l’estaminet.

Le vieux charretier, après s’être rincé la dalle deux ou trois fois avec Cléophas, écouta la proposition du comte.

Le bonhomme voulut savoir le nom de la personne à qui il devait confier son fils.

Le comte refusa et eut raison des objections du charretier en donnant deux billets de $10.

— En fin de compte, dit le père Sansfaçon, vous me paraissez faire de l’argent comme du poil. Je ne crois pas que mon petit garçon ait de la misère chez vous. Je vais vous l’envoyer.

Pendant cette conversation, une voix stridente se fit entendre dans la rue. C’était un gamin qui criait : Une cent pour le Canard ! la Patrie ! le Nouveau-Monde !

— Tiens, dit le père Sansfaçon. Ça s’adonne t’y bien. C’est la voix de mon Pite.

Le vieux sortit de la maison et courut après le gamin qui rentra avec lui chez la mère Gigogne.


VI

OÙ LE PETIT PITE VA CHANGER DE POIL


Le père Sansfaçon, qui commençait à avoir son plumet, gaffa son enfant par le collet et le fit entrer dans le salon privé.

Le gamin résista et dit à l’auteur de ses jours :

— Écoutez-donc, vous, y a des imites pour maganer le monde ! Qu’est-ce que vous me voulez ?

— Assieds-toi-là, mon fils, dit le père Sansfaçon. Regarde bien monsieur. Il a à te parler.

— S’il veut acheter ma douzaine de Canard, qu’il avinde ses coppes.

Le comte, pour s’attirer les bonnes grâces de l’enfant, lui donna une pièce de vingt cents pour sa douzaine de journaux.

— Merci, monsieur, dit le petit Pite. Vous êtes la pratique la plus « game » que j’aie rencontrée aujourd’hui.