Page:Bertheroy - Le Colosse de Rhodes.pdf/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
le colosse de rhodes

— Rien ou presque ! J’ai fait un rêve affreux cette nuit ; j’ai rêvé que tu ne m’aimais plus. Puis à mon réveil j’ai regardé se lever l’aube. Des nuages fantastiques s’avançaient avec une lenteur solennelle sur l’écran pâle du ciel. La lumière naissante les colorait en dessous et leur donnait la légèreté de la vie. Ils passaient, poussés de l’Orient à l’Occident, comme un grand troupeau de bêtes échappées d’une arche invisible. Les uns avaient la forme de lions chevelus ; d’autres étaient des dauphins à têtes énormes, d’autres des léopards et des tigres. Puis le ciel resta uni, sans une tache, tel un grand miroir.

Elle s’arrêta et serra la main de Likès.

— Sais-tu ce que je vis ensuite ? Une vapeur d’un jaune brillant, toute petite et toute ronde ; on eût dit une de ces bulles que font les enfants en soufflant dans des chalumeaux. Puis la petite bulle se mit à grossir, à s’étendre démesurément, et il en sortit une figure de femme au profil impérieux, à la gorge magnifique. Et elle semblait me regarder avec fureur. J’ai senti ses yeux projeter sur moi des éclairs.