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le colosse de rhodes

s’attachaient tour à tour au visage marbré du mort et aux traits fardés de Namourah ; il regardait avec une sorte de terreur muette ces époux que la mort venait de disjoindre et qui, tant d’années, avaient été assis côte à côte.

Namourah s’aperçut de sa surprise :

— Tu t’étonnes sans doute que je ne témoigne aucun chagrin et que je verse pas de larmes hypocrites ? Du chagrin ? J’en ai eu tout à l’heure, lorsqu’il a haleté et suffoqué entre mes bras pour mourir. Il souffrait à ce moment ; maintenant il ne souffre plus. Il a vécu sa vie ; il en a goûté toutes les douceurs jusqu’à ce que ses cheveux aient blanchi sur sa tête. Si je n’ai pas été une épouse fidèle, j’ai été du moins une épouse obéissante… Ô Likès ! Viens ! ne tardons pas davantage. Tout est prêt déjà pour l’échange de notre promesse. Demain la foule entrera dans ce palais et viendra saluer la dépouille d’Isanor ; mais aujourd’hui c’est le jour de nos fiançailles !

Et, devant le mort, dont le sourire s’élargissait, devenait béant, elle lui tendit ses lèvres. Et Likès but le baiser qui tant de fois déjà l’avait enivré et dompté.