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le colosse de rhodes

— Héraclès, murmura-t-il, préserve-nous de tout malheur !

Puis il retourna près de son ami :

— Parle, raconte-moi ta vie. Confie-moi ce qui t’oppresse.

— Le désir d’aimer, fit Likès d’une voix défaillante.

— Je m’en doutais. Quand on a recours à l’amitié, c’est que l’amour nous trahit ou nous opprime. L’amitié n’a été faite par les dieux que pour nous consoler de l’amour. Tu subis comme tous les autres hommes, Likès, cet impérieux attrait, cette illusion adorable et mensongère qui drape de beauté notre vie et sous laquelle est le néant. Je le sais bien, moi qui te parle, car j’ai aimé aussi, avant de subir l’initiation sacrée. Un peu de mon cœur est resté dans le tourbillon du monde, dont ce temple m’isole comme une forteresse inviolable.

— J’envie ton sort, dit Likès en s’animant ; — oui, je t’envie de toute mon âme. J’aurais voulu être un de tes Héliades, un Épervier ou un Aigle, planer au-dessus des existences terrestres, et recueillir mes pensées dans le centre de toute intelligence.