Page:Bertheroy - Le Journal de Marguerite Plantin.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je vois passer au-dessus des toits pointus les nuages qui se poursuivent comme de grands fantômes violets ou blancs. Alors ma mère lève les yeux du colifichet qu’elle brode, pour me dire : « Qu’as-tu Marguerite ? » et mes sœurs me rient au nez. Pourtant Martine a bientôt quinze ans, et à son âge j’avais déjà de ces joies et de ces mélancolies subites ; mais elle est beaucoup plus sensée que moi.

Ce ne sera pas tous les jours que je pourrai venir causer avec mon cahier. De plus en plus notre temps est pris par les occupations ménagères, et aussi par celles de l’Imprimerie. Cependant, comme j’ai souvent mal aux yeux, mon père a cessé depuis quelques mois de me faire corriger les épreuves ; mais je suis encore chargée de la comptabilité et d’une partie de la correspondance. Je veux mettre ici l’emploi de mon temps.

Le matin je me lève à six heures (dans cette saison, il faut allumer la chandelle). Je fais ma toilette et je lisse mes cheveux avec soin pour qu’ils se tiennent toute la journée bien en ordre sous la coiffe ; puis je descends dans la salle et j’aide à maman à dresser la table, pendant que la chambrière prépare les tranches de pain et le lait. Après déjeuner, je vais à la messe avec Martine ; (Catherine y va plus tard avec notre mère, et Madeleine et Henriette sont encore trop petites pour y assister) et en revenant je fais les commissions. Il y a déjà beaucoup de foule dans les rues, sur-