à mesure que leur intimité morale grandissait, cette appréciation physique lui devenait plus sensible ; contrairement à ce qui se passe d’habitude, c’était du dedans au dehors qu’il la devinait et par son âme qu’il pénétrait son visage.
Âme de Praxilla sereine et forte, mais déconcertante aussi parfois, comme tout ce qui des splendeurs de l’infini est tombé sous le joug de la forme humaine ! Dorcas se passionnait à voir cette âme, colombe de feu, osciller au-dessus de ce front clos, pareil à un tabernacle. Il en était sûr maintenant, quel que fût le degré d’impersonnalité auquel la vie du cloître avait dû amener la prêtresse, il restait en elle une femme très supérieure à toutes les autres sans doute, très pure et très détachée des vanités terrestres, mais encore sensible à toutes les émotions et capable de comprendre toutes les douleurs. En ce moment, Dorcas, les regards ardemment attachés sur elle, venait pour la première fois — et sans l’avoir prémédité — de s’écarter du sujet habituel de leurs entretiens. D’ordinaire c’étaient toujours les mêmes idées de ferveur patriotique et de gloire qui les attiraient et les grisaient, ainsi qu’une coupe d’hydromel à laquelle ils eussent tour à tour pressé leurs lèvres. Mais une impulsion irrésistible avait emporté Dorcas, et il s’était pris à dire tout à coup :
— Vous êtes plus heureuse que moi, ô Praxilla, toute votre vie se concentre dans l’accomplissement