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ximénès

obscures et s’introduisaient dans les logis les plus misérables, prêchant la doctrine de Mahomet et essayant de remonter le courage des Croyants avec la perspective des délices promises par le Prophète.

Isabelle et Ferdinand n’avaient pas tardé à s’alarmer de cette croisade pacifique ; et, pour chercher le moyen d’y remédier, ils avaient réuni leur Conseil : les grands feudataires d’Espagne qui les avaient aidés dans la conquête, les ministres d’État et les dignitaires des trois ordres militaires de Calatrava, de Saint-Jacques et d’Alcantara. Autour des souverains, dans la salle des Ambassadeurs où s’étaient si longtemps déployées les splendeurs de la Cour arabe, étaient venus se grouper Carvajal, Zapata et Vargas, les trois plus anciens soutiens de Ferdinand ; le duc d’Albe, qui possédait à lui seul la dixième partie du territoire de l’Espagne et dont la puissance aurait pu faire échec à celle des rois de Castille ; le duc de l’Infantado, le second en puissance après le duc d’Albe ; le marquis de Moya, qui avait livré au roi la ville de Ségovie le jour de la Sainte-Luce, et en récompense avait reçu le titre de chancelier de la Couronne ; le comte de Tendilla, dont la main avait planté la bannière catholique sur le sommet de l’Alhambre, lors de la prise de Grenade ; l’archevêque Talavera, figure antique égarée dans cet âge de troubles et de violences, et dont l’évangélique douceur contrastait étrangement avec le fanatisme farouche de ses contemporains ; enfin le grand Campeador Gonzalve de Cordoue, la première épée de la catholique Espagne.

En peu de mots, avec une extrême prudence, Fer-