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LXVI
INTRODUCTION

C’est à la police à reconstituer son signalement descriptif au moyen de toutes les observations qu’elle pourra se procurer, pour arriver à le reconnaître dans la foule des humains et à l’arrêter.

Aussitôt le sujet soupçonné arrêté, le signalement anthropométrique intervient pour fixer son individualité : reconstituer la série de ses anciens écrous, s’il est récidiviste ; lui assurer au contraire, en toute connaissance de cause les atténuations de la loi, s’il est nouveau. Le signalement anthropométrique permet, et il est le seul jusqu’ici à permettre, étant donné un sujet, de retrouver son nom. Il remonte dans le passé et assure l’avenir.

C’est donc un signalement exclusivement pénitentiaire dont la vertu ne peut s’exercer qu’entre les murs d’une prison. En dehors, sur la place publique, par exemple, il est impossible de l’appliquer tel quel ; tout au plus peut-on en extraire pour le signalement descriptif, quelques indications complémentaires, comme la hauteur de la taille, la hauteur du buste, ou la longueur du pied ou des doigts quand les dimensions en sont exceptionnellement petites ou grandes.

Quant au signalement à l’aide des particularités, sa fonction est de mettre hors de discussion les résultats amenés par les deux autres.

Les exemples ne sont pas rares où les trois signalements jouent ainsi leur rôle successivement, tout en concourant au même but, l’exécution de la loi pénale : le signalement descriptif pour l’arrestation, le signalement anthropométrique pour la reconstitution des antécédents et le signalement à l’aide des particularités pour la confirmation de l’identité, soit que ce dernier intervienne aussitôt après (ou même avant) l’arrestation soit seulement après une identification anthropométrique[1].

On peut dire, en empruntant la langue des mathématiciens, que le rôle de l’anthropométrie est la réciproque de celui de la description. En effet, ici nous avons un signalement qu’il nous faut appareiller avec l’un des 100.000 individus libres d’une ville ; là, nous

  1. L’arrestation du trop célèbre criminel K… dit R…, dont il a été tant parlé an commencement de cette année, fournit un exemple frappant du rôle spécial qui incombe à chacune des trois parties de notre signalement. — Les brigades politiques de la Préfecture de police habilement dirigées ayant appris que l’auteur des explosions d’avril 1892 devait être un certain R…, qui avait déjà eu maille à partir avec la justice, notamment en 1890 à Saint-Étienne, où il avait subi une détention de huit jours suivie d’un non-lieu, pour émission de fausses monnaies, la copie de sa fiche signalétique relevée à cette époque fut requise immédiatement, au répertoire alphabétique. Il se trouva qu’elle avait été confec-