Page:Bertillon - Identification anthropométrique (1893).djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LXXV
RÉSULTATS OBTENUS

En publiant ces résultats, n’oublions pas le bénéfice considérable qui s’attache à une reconnaissance, qu’on l’envisage au point de vue social, ou plus particulièrement judiciaire ou pénitentiaire.

Lorsqu’un malfaiteur se décide à donner un faux nom, c’est qu’il y trouve un intérêt majeur et qu’il se sait sous le coup d’autres poursuites, ou a lieu de le supposer. De sorte que sous ce rapport la reconnaissance d’un malfaiteur qui se cache sous un faux nom équivaut, au point de vue de l’intérêt général, à son arrestation directe sur la voie publique.

Mettons de côté l’intérêt judiciaire pour nous en tenir au point de vue strictement pénitentiaire. Est-ce que les dissimulations d’identité n’entraînent pas nécessairement un allongement considérable de la détention préventive ? En admettant un allongement moyen de 100 jours par individu sous faux nom, cela fait, au taux de 500 reconnaissances annuelles, une économie de 500 × 100 ou cinquante mille (500 × 100 = 50.000) journées de présence d’économisées, soit environ cinquante mille francs de dépense annuelle en moins, rien que pour les prisons du département de la Seine.

Cette appréciation que j’ai exprimée au Congrès pénitentiaire de Rome, en 1885, devant la réunion de toutes les compétences pénitentiaires d’Europe, a été unanimement acceptée[1].

Conséquence plus remarquable encore : le nombre des arrestations de voleurs internationaux du genre pick-pocket a toujours été en diminuant depuis la création du service d’identification jusqu’à ce jour. Il était de règle, en effet, parmi les individus de cette espèce de changer d’état civil à chaque arrestation successive, et ils réussissaient généralement ainsi à échapper aux majorations de peine qui frappent la récidive. S’étant assurés par eux-mêmes qu’il leur était devenu impossible de dissimuler leurs antécédents en cas d’arrestation, craignant d’autre part la loi de la relégation, ils préfèrent maintenant, de leur propre aveu, le séjour des capitales étrangères ; de 65 en 1885 leur nombre est tombé à 52 en 1886, puis à 34, à 19 et finalement à 14 en 1890 !

Si l’on réfléchit à ce que coûte, aux habitants d’une ville, l’entretien d’une pareille population qui ne vit absolument que de

  1. En France où les règlements pénitentiaires privent le récidiviste successivement d’un dixième de son pécule à chaque nouvel écrou, la reconnaissance assurée de tous les récidivistes tend conjointement à diminuer les charges de l’État. (Voir le rapport de M. Boucher précédemment cité.)