Page:Bertrand, Gaspard de la nuit, 1920.djvu/49

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de la porte roulèrent : c’était un marchand fleuriste qui, le bras chargés de plusieurs pois de tulipes, s’excusa d’interrompre la lecture d’un aussi savant personnage.

— « Maître, dit-il, voici le trésor des trésors, la merveille des merveilles, un oignon comme il n’en fleurit jamais qu’un par siècle dans le sérail de l’empereur de Constantinople !

— Une tulipe ! s’écria le vieillard courroucé, une tulipe ! ce symbole de l’orgueil et de la luxure qui ont engendré dans la malheureuse cité de Wittemberg la détestable hérésie de Luther et de Mélanchton ! »

Maître Huylten agrafa le fermail de sa bible, rangea ses lunettes dans leur étui, et tira le rideau de la fenêtre, qui laissa voir au soleil une fleur de la passion avec sa couronne d’épine, son éponge, son fouet, ses clous et les cinq plaies de Notre-Seigneur.

Le marchand de tulipes s’inclina respectueusement et en silence, déconcerté par un regard inquisiteur du duc d’Albe dont le portrait, chef-d’œuvre d’Holbein, était appendu à la muraille.

École Flamande

VI

LES CINQ DOIGTS DE LA MAIN