Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/117

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a-t-il contribué par l’aveu naïf de sa poltronnerie aux soupçons peu obligeants qu’on s’est plu quelquefois à jeter sur la bravoure des poètes. »

On revient enfin à l’éloge de Campistron, ce talent précoce, un instant célèbre, et qui n’a jamais pu mûrir ; la louange que lui donne d’Alembert l’aurait peu flatté :

« S’il ne s’est pas servi de sa plume aussi bien qu’Horace, il lui reste du moins la gloire de s’être mieux servi de son épée. »

N’aurons-nous pas à notre tour le tort d’appuyer trop, en ajoutant qu’il n’y a aucune gloire à se promener, avec ou sans épée, sur un champ de bataille où l’on n’a que faire ?

D’Alembert avant tout aimait la sincérité, il ne pouvait se résigner à faire des avances ou même à remercier ceux qui, renseignant le public, croient par un jugement bienveillant mériter la reconnaissance. Ils n’ont droit qu’à l’estime s’ils sont sincères, à l’indifférence s’ils font de leur plume l’instrument des amitiés ou des haines que souvent ils ne partagent pas. La presse, moins bruyante mais non moins courtisée qu’aujourd’hui, ne devait pas lui être favorable.

Tandis que des amis obstinés ou des amis de ses amis saisissaient toutes les occasions de vanter l’éclat de son style et le charme de son débit, d’autres se plaignaient, avec un parti pris non moins invariable, du mauvais goût de ses plaisanteries et de la lenteur de sa diction trop savamment ponctuée.