Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/166

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travail se joint une insomnie affreuse et une profonde mélancolie. Tous mes amis et mes médecins me conseillent le voyage d’Italie comme le seul remède à mon malheureux état ; mais mon peu de fortune m’interdit cette ressource, l’unique cependant qui me reste pour ne pas périr d’une mort lente et cruelle.

« Vous avez eu la bonté de m’offrir, il y a sept ans, les secours nécessaires pour ce voyage. J’ai recours aujourd’hui au bienfaiteur à qui je dois tant et à qui je vais devoir encore la vie. On m’assure que le voyage, pour être fait avec un peu d’aisance, exige environ 2 000 écus de France. Je prends la liberté de les demander à Votre Majesté. »

Frédéric répondit :

« Mon cher d’Alembert, je trouve votre Faculté de médecine bien aimable. Ah ! si j’avais de pareils médecins ! Ceux de ce pays-ci ne prescrivent à leurs patients que des gouttes et des drogues abominables.

« C’est une consolation pour moi que ces rois tant vilipendés puissent être de quelque secours aux philosophes ; ils sont au moins bons à quelque chose. Adieu, mon cher. »

L’ordonnancement des six mille francs demandés accompagnait la lettre.

Le voyage fut interrompu, les deux amis s’arrêtèrent à Ferney. D’Alembert, un peu mieux portant et toujours malheureux loin de celle qui se passait si bien de lui, reprit avec Condorcet la route de