Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/58

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le calcul des probabilités une branche légitime des mathématiques. Le problème qui fut le point de départ de ses doutes et l’occasion de ses critiques est resté célèbre dans l’histoire de la science sous le nom de « problème de Saint-Pétersbourg ». On suppose qu’un joueur, Pierre, jette une pièce en l’air autant de fois qu’il faut pour amener face. Le jeu s’arrête alors et il paye à son adversaire Paul, 1 franc s’il a suffi de jeter la pièce une fois, 2 francs s’il a fallu la jeter deux fois, 4 francs s’il y a eu trois coups, puis 8 francs, 16 francs, et ainsi de suite en doublant la somme chaque fois que l’arrivée de face est retardée d’un coup. On demande combien Paul doit payer équitablement en échange d’un tel engagement ?

Le calcul fait par Daniel Bernouilli, qui avait proposé le problème, exige que l’enjeu de Paul soit infini. Quelque somme qu’il paye à Pierre avant de commencer le jeu, l’avantage sera de son côté ; tel est le sens du mot infini. Ce résultat, quoique rigoureusement démontré, semble contraire aux indications du bon sens. Aucun homme raisonnable ne voudrait payer cent francs les promesses de Pierre.

L’esprit de d’Alembert, pour repousser ce paradoxe, rejetait avec dédain les principes qui y conduisent, en proposant, pour en nier la rigueur et en contester l’évidence, les raisonnements les moins fondés et les plus singulières objections. Il refuse, par exemple, aux géomètres le droit d’assimiler dans leurs déductions cent épreuves faites successivement avec la