Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/91

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amusement inutile est un mal pour un être dont la vie est si courte et le temps si précieux. »

Les luttes littéraires plaisaient à d’Alembert ; il répondit en s’efforçant, non sans succès, d’imiter le style de son adversaire. Le public, dans cette joute oratoire que rien ne rendait nécessaire, vit cependant un amusement permis : la lettre et la réponse furent beaucoup lues et beaucoup admirées, l’opinion donna raison à d’Alembert, mais décerna le prix d’éloquence à Rousseau.

Le caractère philosophique, c’est-à-dire antireligieux de l’Encyclopédie, devait exciter des protestations. Dès le second volume un arrêt du Conseil avait interdit la vente des articles déjà parus, en soumettant à la censure préalable tous ceux qui intéresseraient à l’avenir la religion.

« Sa Majesté a reconnu, disait l’arrêt, que dans les deux volumes on a affecté d’insérer des maximes tendant à détruire l’autorité royale, à établir l’esprit d’indépendance et de révolte, et, sous des termes obscurs et équivoques, à élever les fondements de l’erreur, de la corruption des mœurs, de l’irréligion et de l’incrédulité. »

Le gouvernement était faible ; ses irrésolutions grandissaient avec l’audace de ses adversaires. La défense fut levée ; d’autres réclamations s’élevèrent. L’avocat général Omer Fleury, l’une des victimes les moins intéressantes de Voltaire, s’écriait, quelques années après, dans un réquisitoire demeuré célèbre :

« La société, l’État et la religion se présentent au-