Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/145

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— Oui-dà ! répondit le roi, c’est un ramage bien divertissant.

— Cette vigne est en votre courtil ; cependant point n’aurez-vous le profit de la cueillette, répliqua maître Ogier avec un bénin sourire ; passereaux sont d’effrontés larrons, et tant leur plaît la picorée qu’ils seront toujours picoreurs. Ils vendangeront pour vous votre vigne.

— Oh ! nenni, mon compère ! je les chasserai, s’écria le roi ! »

Il approcha de ses lèvres le sifflet d’ivoire qui pendait à un anneau de sa chaîne d’or, et en tira des sons si aigus et si perçants que les passereaux s’envolèrent dans les combles du palais.

— « Sire, dit alors maître Ogier, permettez que je déduise de ceci une affabulation. Ces passereaux sont vos nobles, cette vigne est le peuple. Les uns banquètent aux dépens de l’autre. Sire, qui gruge le vilain gruge le seigneur. Assez de déprédations ! Un coup de sifflet, et vendangez vous-même votre vigne. »

Maître Ogier roulait sur ses doigts d’un air embarrassé la corne de son bonnet. Charles VI hocha tristement la tête ; et serrant la main au bourgeois de Paris : — « Vous êtes un preud’homme ! » soupira-t-il.