Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quart de lieue près de l’ost du prince de Galles, dans les champs de Beauvoir et de Maupertuis, le dimanche dix-huitième jour de septembre mil trois cent soixante-six : celui-ci n’avait guère moins de huit mille soldats ; le roi Jean en avait bien huit fois autant, chevaliers et varlets. Il y eut donc offres prudentes du prince de Galles au roi de France, de rendre tout ce qu’il avait pris, et de ne guerroyer, lui et les siens, contre la France, de sept ans. Mais à l’encontre de sa demande, on lui envoya dire, pour toute réponse, qu’il eût à parler en homme de plus de cœur. Chacun prévoyait à de tels propos quelque bataille sanglante et de terribles coups d’épée.

Durant ces pourparlers, loisir était aux soldats anglais de marauder à la ronde. Étables, basses-cours et garennes étaient les garde-manger de maints nobles barons et chevaliers. Une naïve chronique de ce temps-là raconte que le prince de Galles, autrement nommé le prince Noir, avait deux nains favoris malicieux et cruels, tous deux pillards effrontés, et que le jour de la bataille, l’un d’eux lui servit à table un plat de pigeonneaux dérobés à la tendresse de leurs mères dans un colombier du village de Beauvoir, et que l’autre lui remplit son gobelet d’or d’un vin généreux soutiré dans une cave du bourg de Maupertuis.

C’était pour échapper à ces vexations que les habitants du village de Beauvoir s’étaient réfugiés avec leurs femmes et leurs enfants au fond des bois. Une