Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/308

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ou à travailler en sous-œuvre, des écrivains jetaient dans de nouveaux moules ces poëmes que nous appellerons des épopées de transition. Ainsi le Dante créa sa Divine Comédie ; l’Arioste, son Roland furieux ; Milton, son Paradis perdu; et dans ces derniers temps, Chateaubriand, ses Martyrs, qui n’appartiennent à l’école des classiques que, pour ainsi dire, par des réminiscences. Le dernier de ces poëmes est la borne qui partage le passé éteint des classiques de l’avenir rayonnant des romantiques. Il a fallu ces quatre grands ouvrages, modifications avérées des épopées antiques, pour nous accoutumer à l’idée d’une épopée toute dramatique, toute à la moderne. Mais cette épopée de la civilisation, quand naîtra-t-elle ?

Ces germes une fois semés, au soleil, au temps, au génie de leur donner la vie ! Déjà un écrivain qui ne voulait faire qu’un roman, a fait une épopée admirable, sans s’en douter. Walter Scott est aussi prodigieux qu’Homère, en ce qu’il est autant créateur que lui. Il n’est aucun de nos lecteurs qui ne connaisse Ivanhoë, qui n’en ait admiré les formes heureuses jusques à la perfection. Cette œuvre est en prose : le vers, aulieu de lui donner del’éclat, l’eût ternie. Nous avons avancé plus haut que l’épopée dramatique devait parler avec la prose, comme l’épopée lyrique chanter avec le vers. Ce qui est pour être dit He doit point être chanté, et vice versa. Ceci est trivial à force d’être vrai.