Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/35

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Voilà le commis du Patriote, celui qui a eu l’audace de saluer publiquement M. de Cormeni’n. Il est vrai que je n’ai pas l’honneur de descendre de quelque noble portecoton d’un prince de Condé (1), de quelque crasseux procureur au Parlement, et que je n’ai pas la capacité élective ni municipale. Mon père, capitaine de gendarmerie retraité, mort en 1827, n’était qu’un patriote de 1789, qu’un officier de fortune, qui, à dix-huit ans, courait sur le Rhin pour y verser son sang, et qui à cinquante ans en comptait trente de service, neuf campagnes et six blessures. Il est vrai encore qu’il ne m’a légué que son épée (que vous n’oseriez regarder) et l’honneur. Je ne craignais pas pourtant, lorsque j’ai serré la main à l’honorable député, au nom de la jeunesse dijonnaise, d’être désavoué par personne. Je ne suis donc qu’un prolétaire, et c’est à un homme du peuple de haranguer l’homme du peuple ; je n’entends pas autrement la popularité.

« Encore un mot : il y a calomnie et lâcheté de votre part lorsque vous m’avez reproché de signer le Provincial, calomnie, parce que vous n’ignorez pas que si j’ai prêté quelques jours mon nom à ce journal, c’était affaire de complaisance, et pendant l’absence et la maladie du véritable gérant, feu Charles Brugnot. Double calomnie, parce que vous n’ignorez pas non plus qu’il serait impossible d’extraire des trente ou quarante opuscules de ma façon qui ont été insérés dans le Provincial, œuvres purement littéraires et philosophiques, et qui sont tous signés, une seule ligne qui eût rapport à la politique ; calomnie pour la troisième fois, parce que vous avez toujours été convaincus de mes sentiments patriotiques et de mes sympathies populaires.

« Lâchete, enfin, lâcheté insigne, parce que vous savez mieux que personne qu’à cette époque, à peine âgé de

(*) Ceci pourrait être une personnalité a l’adresse de l’un des adversaires de Bertrand. On sait que les princes de Condé avaient à Dijon un château dont le jardin subsiste encore : c’est le Parc, promenade de la ville.