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L’APPEL DU SOL

— Apporte ça aux artilleurs, dit-il.

Le chasseur se mit à ramper, puis, pour aller plus vite, se dressa, détalant vers la forêt. Un obus explosa, juste au-dessus de sa tête, à quelques mètres de hauteur. La gerbe de balles et d’éclats s’arrondit, comme une ombrelle. L’ordonnance s’était arrêté, cloué au sol. L’averse tomba. Il disparut dans le nuage blanc de l’éclatement. La fumée se dissipa : l’homme était debout, sans une blessure, sans une contusion. Il était étonné de vivre. Il riait. Il tendit le bras, la main ouverte, en un geste immense de simplicité, comme on fait pour constater qu’il ne pleut plus, et, rassuré, reprit sa course.

Une demi-heure passa : dix siècles. Le tir ennemi se poursuivait. L’ordonnance revint : l’officier d’artillerie lui avait donné un mot : « Il me fallait un renseignement précis. Nous manquons de munitions. Je n’ai pas assez d’obus pour arroser sans un objectif nettement défini. »

— Bien, bien, dit Fabre. Les sacrifices de l’infanterie rachètent le manque de matériel. Le sang de mes hommes ne leur coûte pas cher.

Il était furieux. C’était encore la faute des