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L’APPEL DU SOL

guerres. J’avais aussi une religion : celle de l’humanité. Et j’ai mêlé cette religion à mon culte pour la Patrie. J’ai cru que c’est pour cela que j’avais ressenti aux premières heures du danger un tel frémissement et depuis lors une si vaste tendresse pour cette terre. Eh bien ! non. Ce n’est pas cela. Il n’est pas à mon patriotisme de fondements raisonnables, ni d’assises rationnelles. J’obéis à un instinct… C’est là ce qui fait de nos humbles chasseurs des héros inconnus. Ils ne le savent pas. Nous venons de le découvrir pour nous-même : la puissance du sol s’est faite chair en nous.

— Voilà qui m’explique, dit M. de Quéré, le fatalisme passif avec lequel nos hommes acceptent la mort. Ils y vont comme un grand troupeau résigné, sans murmure. Les martyrs mêmes, qui choisissaient de leur plein gré de mourir et à qui l’aide divine ne manquait point, n’étaient pas plus courageux que nos soldats : ceux-ci pourtant ne se trouvent pas, à l’instar des saints, de par leur propre volonté sur le lieu du supplice, et ils n’attendent point à leur souffrance l’immédiate compensation du paradis.