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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/258

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L’APPEL DU SOL

souple. Il revoyait en imagination la couleur dorée du chemin quand le soleil le baignait et ses ombres bleues lorsque donnait la lune.

Il avait encore vieilli. Et, maintenant qu’il aimait, il saisissait mieux la cruauté de la guerre. Il percevait dans ses abîmes la profondeur de cette tragédie humaine. À l’idée de tous les êtres qui avaient aimé, qui avaient été une partie vivante de l’épouse ou de l’amante demeurée au foyer, et qui maintenant dormaient sous la terre foulée et sous les croix rustiques des champs de bataille, il éprouva un grand frisson.

Il sentait pourtant, par un prodige étrange, que plus son sacrifice était grand, plus grande était la force qui lui permettait de l’accomplir.

— Est-ce parce que j’aurai l’impression, dit-il, de me battre pour défendre Marguerite ?

C’était cela, sans doute. Mais il y avait quelque chose de plus. Il embrassa encore du regard la vallée que pénétrait le calme nocturne, la cité qui ne lui était plus étrangère, cette route qu’il aimait.

— Ce n’est pas, dit-il, pour Marguerite seulement que je vais me battre, mais aussi pour