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L’APPEL DU SOL

Ceux-là répondent :

— On y va, on y va !

— Tous les officiers ont été tués !

— Et ta sœur ? répond un petit engagé de vingt ans.

Le bataillon, cependant, a traversé la route. Il a repris sa marche sous la pluie.

Le capitaine Nicolaï a pris le petit sous-lieutenant Fabre par le bras. C’est un gamin. Il est sorti de Saint-Cyr il y a un an. Le vieil officier se sent envahi pour lui d’une tendresse immense. Et le jeune homme, en éprouvant l’affection de ce rude soldat, est ému jusqu’aux larmes.

— J’aurais voulu, dit-il, être tué hier !

Le capitaine n’a pas répondu. Il a laissé éteindre son brûle-gueule.

— C’est honteux, poursuit Lucien Fabre. Un pays qui a de pareils fuyards ne mérite pas qu’on meure pour lui.

— J’espère, mon enfant, dit Nicolaï, que votre décision a été prise une fois pour toutes, et que maintenant elle est sans appel. Ce ne sont pas des circonstances fortuites, comme la vue de cette retraite, qui peuvent rien changer