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L’APPEL DU SOL

voit dans le cœur de ceux qui la font. Le capitaine Nicolaï m’a dit — c’est une des dernières paroles de cet homme qui n’était pas bavard — « Nous vivons ici en une perpétuelle victoire sur nous-même ». Cette victoire consiste à aimer le danger.

Vaissette s’était allongé parmi les pierres. Il regardait le ciel étoilé. Il dit :

— Je ne sais pas si nous apprenons à aimer le danger ou tout simplement à le mépriser. De toute façon, nous triomphons de lui. La guerre est une grande éducatrice. Peu d’hommes, d’ordinaire, peuvent dire : « J’ai vu la mort face à face ». Nous sommes des millions désormais qui nous sommes mesurés du regard avec elle et qui avons appris à ne pas être épouvantés. Nous voici pareils à ces marins qui ont eu l’habitude de lutter avec les tempêtes, avec les nuages, avec la nuit, avec tous les mystères et toutes les trahisons de la mer. À chaque minute de leur existence vagabonde ils ont risqué d’être engloutis. L’amour du péril a fait d’eux des natures graves et fortes. Nous avons appris de même à pouvoir mourir à tout instant.