Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/101

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comme une procession de vierges qui s’avancent pour prendre le Corps du Seigneur.

Cette image s’effaça lentement dans l’esprit de Cécilius, y laissant tout un sillage de correspondances mystérieuses. Son regard remonta un peu à droite, vers une allée de cyprès coupée par un jet d’eau et terminée par une pergola, dont on distinguait les blanches colonnes sous un échevèlement de cytises. Soudain, il perçut un frôlement furtif le long de la bordure qui emprisonnait les lis. Sur la sombre muraille des buis, une silhouette glissa, une pâle figure de vieille femme, au profil coupant et aux regards aigus comme des poignards. C’était Thadir, la maîtresse du gynécée. Cécilius, en l’apercevant, tressaillit. D’un ton bref et dur, il lui cria de la fenêtre :

« Où est Birzil ?

– Sous la pergola ! » dit la vieille, dressée tout de suite dans une attitude de défense.

Puis elle ajouta, avec un haussement d’épaules : « Occupée à lire, comme toujours !

– Appelle-moi Birzil ! commanda Cécilius.

– C’est impossible ! Voici l’heure du repas.

– Eh bien ! le repas attendra ! »

La vieille, immobile, semblait vouloir résister.

« M’entends-tu ? » lui jeta Cécilius, en frappant du pied avec colère.

Elle se précipita vers l’allée de cyprès, et, tandis qu’il la suivait des yeux, une irritation croissante l’envahissait.

Sans cesse, il se heurtait au mauvais vouloir, à l’opposition sournoise de cette vieille sorcière couverte d’amulettes et toute bruissante de pendeloques. Il l’accusait de lui aliéner l’esprit de sa fille adoptive, d’entraver son influence sur elle, sans doute par haine de race et de religion. Esclave, elle était venue toute jeune du pays des Arzuges, adorateurs de fétiches. Elle avait grandi dans la maison de Pompeianus, et, petit à petit, elle