Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/138

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de troupes qui parcouraient la province, parvint enfin à Cécilius. Elle mettait une obstination incompréhensible à ne point quitter le Calcéus. Comme toujours, elle parlait avec enthousiasme de ses courses dans le désert, de ses visites aux chefs indigènes et de la façon pompeuse dont elle avait été reçue sous leurs tentes. Mais aucune allusion à un danger, ou même à une alerte quelconque. Cécilius, en lisant cette lettre, entra dans une véritable fureur contre Thadir, qu’il accusait plus que jamais de suborner la jeune fille. Puis la pensée qu’elle était en sécurité le calma peu à peu. Une autre constatation qui ressortait des événements lui procura un véritable soulagement : c’est que la révolte des mineurs devenait impossible. Un instant, il songea à dénoncer au procurateur le contremaître germain qui l’avait fomentée, cet Hildemond dont la cruauté aussi l’avait révolté, lors de sa visite à Sigus. Mais comment expliquer que lui, Cécilius, eût découvert le complot, sans compromettre en même temps Mappalicus, qui n’avait rien dit ? Et puis la répression serait terrible. Une foule d’innocents seraient mis à la torture, le plus grand nombre d’entre eux condamnés à périr sur la croix. Du moment que tout était apaisé, il aima mieux se taire que de provoquer ces châtiments féroces.

D’ailleurs, des préoccupations et des tâches plus urgentes le réclamaient. L’église de Cirta menaçait de se dissoudre dans des discordes intestines. L’évêque Crescens venait de mourir subitement, aussitôt après le départ de Cyprien. On avait élu à sa place un prêtre selon le cœur de l’évêque de Carthage, Agapius, homme doux et ferme, qui avait fait ses preuves de fidélité pendant la persécution de Dèce. Mais il était désavoué et combattu par le parti de Paulus, ce prêtre usurier et débauché, qui avait déjà combattu Crescens et qui était considéré comme l’évêque légitime par toute une catégorie de fidèles. Celui-ci ralliait autour de lui, avec les violents et les intransigeants, pour qui l’on n’était jamais assez pur