Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/202

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d’autres vieilles se coulaient mystérieusement dans le logis de Sidifann, apportant et remportant des messages. Birzil, avertie, songeait à les circonvenir, pour faire parvenir une lettre au poste du Calcéus. Mais Nabira était d’une vigilance décourageante, et l’occasion ne se présentait point.


Les jours passaient. Birzil, désespérée, se demandait si elle parviendrait jamais à sortir de cette prison. Du côté du village, la maison n’avait d’autre ouverture que la porte d’entrée gardée par un esclave et par des chiens féroces. Du côté de la palmeraie, elle était environnée de hauts murs. Quant au jardin attenant au corps de logis, ce n’était qu’une étroite terrasse dominant presque à pic le lit torrentueux de la rivière. Mais cette terrasse pouvait devenir un excellent observatoire. La jeune fille se souvenait que les soldats du poste descendaient quelquefois laver leur linge dans l’oued. Si seulement elle en apercevait un, et s’il lui était possible, sans être vue, de lui faire des signaux !… Hantée de cette idée, elle se mit à flatter Nabira, en essayant de l’apitoyer sur elle-même. Elle était pâle et languissante, touchant à peine à la nourriture. C’était sa réclusion, disait-elle, dans cette salle sans air et presque sans lumière, qui était cause de sa langueur. Qu’on lui permît d’aller respirer sur la terrasse, ne fût-ce que quelques instants, à l’heure de la sieste !… La vieille se laissa fléchir. Birzil put transporter des coussins et des tapis sous un figuier, qui donnait un peu d’ombre, à l’extrémité du jardin. Au plus fort de l’ardeur méridienne, elle allait s’y étendre, en feignant de dormir. Mais, entre ses cils mi-clos, elle épiait anxieusement tout ce qui se passait, à ses pieds, au fond du ravin.

À cette heure-là, rien ne bougeait dans la campagne, accablée par la chaleur torride. Le lit de l’oued était désert. Quand Birzil retournait la tête sur ses coussins, elle apercevait derrière elle, dans un grand flamboiement de