Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/252

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flamme extraordinaire, pareille à la palpitation d’un grand foyer qui s’allume, éclaira sa pâle figure. Cécilius ne cherchait plus son ami. En cette minute, sur le visage transfiguré de Cyprien, il avait vu avec les yeux de sa chair, — la splendeur du Christ !

Mais un scribe des Offices venait d’amener l’exécuteur portant sur son épaule un énorme coutelas à deux tranchants. Eu égard à la dignité du condamné qui appartenait à l’ordre sénatorial, on avait désigné pour lui trancher la tête un centurion de taille colossale renommé pour sa force et son habileté à manier le glaive. Au bruit des pas, Cyprien, comme tiré de son extase, se tourna vers celui qui venait :

« C’est toi ! » dit-il simplement.

Et, s’adressant au diacre Pontius :

« Tu feras donner pour sa peine cinq pièces d’or à cet homme ! »

Puis il se banda les yeux de ses propres mains, pendant que les fidèles disposaient alentour de grands carrés de linge pour recueillir le sang. Le prêtre Julien, aidé d’un sous-diacre, après lui avoir lié délicatement les poignets, attacha derrière son dos les manches de sa chemise qu’il avait rabattue jusqu’à la ceinture. Sous les yeux béants des spectateurs, le saint s’agenouilla de nouveau, et, comme un homme qui se penche pour boire, il tendit le cou au bourreau…

Celui-ci, habitué à frapper des voleurs, des assassins ou des barbares féroces, était comme pétrifié d’effroi devant cet homme doux, qui ne se défendait pas et qui paraissait tout environné de clartés… Il tremblait, n’osait pas asséner le coup mortel. Le peuple commençait à murmurer. Il fallut que le martyr lui-même l’encourageât :

« N’aie pas peur, fais ton devoir, toi aussi ! »

Brusquement le fer s’abattit, mais la main était mal assurée : le colosse manqua son coup. Une huée s’éleva. On lui lança des pierres. Enfin le coutelas retomba pour