Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/283

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Ce Cariovisque était un autre contremaître germain qui avait dû s’attarder dans les galeries, ou trouver les issues bouchées par les premières chutes de gravats. Hildemond avait à peine lancé son cri que la trompe sonna. Un fracas épouvantable suivit, un bruit d’explosion qui se prolongea en un grondement souterrain. Et un souffle de tempête faillit renverser les hommes et les bêtes, tellement le déplacement d’air était énorme et violent. Puis, après ce vacarme assourdissant, il y eut une seconde de grand silence que rompirent tout de suite des hurlements de blessés et les clameurs furieuses des surveillants. Des carriers n’avaient point reparu. L’équipe de Cariovisque avait dû être écrasée sous les ruines. Pourtant, les chefs n’y regardaient pas de si près.

« Combien de manquants ? lança Théodore à Hildemond ?

– Une cinquantaine, maître !

– Allons ! ce n’est rien, » fit le procurateur.

Mais, parmi ceux qui travaillaient aux barrages, un tumulte s’élevait. Un certain nombre de manœuvres avaient été blessés par des éclats de roches, par les rebondissements et les ricochets des débris. L’un d’eux autour duquel on s’empressait gisait sur le sol, inerte et livide, comme un cadavre. On le crut mort ; il n’était qu’évanoui. Sa cheville gauche, déjà luxée par les fers qu’il traînait, venait d’être écrasée par la projection d’une grosse pierre :

« Il me semble que je le reconnais, dit Théodore, qui s’était approché avec Hildemond… C’est notre sénateur, le condamné de Cirta, Cécilius Natalis, ancien fermier de Sigus. »

Et, à la grande stupéfaction des manœuvres, qui dans une attitude tremblante faisaient cercle autour de lui et du contremaître, et qui s’étonnaient d’une telle déférence pour un des leurs, il ordonna à deux travailleurs libres de relever le blessé et de le transporter en toute diligence à l’infirmerie de la mine.