Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/88

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– Le soir même de notre entrevue.

– Il n’était que temps ! J’ai appris par l’envoyé du légat que celui-ci est extrêmement courroucé contre Cyprien : il le considère comme un fanatique des plus dangereux. Quant à toi, il te suspecte à cause de ton origine, de tes liens de parenté avec les anciens maîtres du pays. Il redoute toujours que tu ne suscites quelque mouvement populaire.

– Quelles imaginations ! protesta Cécilius. Tu n’ignores pas combien je vis retiré et paisible. Tes collègues m’accusent même d’inertie. En réalité, je me contente de faire quelque bien autour de moi… Mais, toi qui sais tout, dis-moi un peu : par qui Macrinius a-t-il eu vent du concile ?

– Tu veux le savoir ?… Eh bien ! c’est par Roccius Félix, ton voisin, notre voisin, car sa propriété touche aux nôtres pour notre malheur à tous deux. Or, des amis communs l’ont aperçu en conciliabule avec le prêtre Paulus… »

Ainsi, le prêtre Paulus avait trahi ! Les soupçons de Cyprien étaient justifiés. Cécilius nota le fait soigneusement, pour en avertir l’évêque de Carthage. Mais le vieillard, échauffé par le vin de Calama, en venait aux confidences :

« Veux-tu me permettre un conseil amical ? dit-il en se penchant à l’oreille de Cécilius : défie-toi de Roccius !

– Pourquoi ?… Je ne m’occupe pas de lui.

– Raison de plus ! Tu l’humilies et il te jalouse. Déjà son père et le tien étaient en rivalité. Lorsque Cécilius Natalis faisait construire à ses frais un arc de triomphe, Roccius Félix s’empressait d’offrir aux gens de Cirta un marché, ou une bibliothèque… La vanité du fils dépasse encore celle du père… Tu ne l’as pas vu se pavaner dans le carrosse qu’il vient d’acheter à Carthage ? C’est la fable de la ville !… Oui, mon cher, un carrosse doré, avec tout un système de roues enchevêtrées, extraordinaires, des sièges suspendus, des appareils ingénieux qui