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le débutant

médiocrités rampantes qui répètent partout et toujours la louange banale du parti au pouvoir ou colportent le dernier scandale découvert par ces messieurs de l’opposition. La politique a ses beautés, de même que ses laideurs, et vous y trouverez des moyens d’action que vous chercheriez en vain dans la littérature. par exemple. Car, il faut bien se rendre à l’évidence des faits démontrant que nous sommes encore à l’enfance de l’art en ce pays, que les soucis matériels d’une part, l’ignorance et les préjugés des esprits étroits — et ils sont légion — d’autre part, entravent le développement artistique et l’effort intellectuel au point de condamner à la misère, souvent au mépris public, des écrivains, des artistes d’un talent incontestable qui, dans des milieux plus éclairés, auraient créé des « œuvres magnifiques, tout en conquérant à la fois la gloire et la fortune… Je vous vois sourire, je sais que vous pensez à me répondre que ça marche, que vous allez opérer une révolution dans les esprits, si on vous laisse la liberté d’écrire ce qu’il vous plaira dans le Populiste. En effet, ça marche, mais si lentement que les années vont beaucoup plus vite et qu’elles emporteront votre jeunesse, détruiront vos illusions bien avant que nous ayons une véritable littérature canadienne, qu’on ait osé écrire la véridique histoire du Canada français, que nous puissions admirer des tableaux et des statues ayant rapporté au peintre et au sculpteur canadien de quoi s’assurer une existence convenable, sinon luxueuse. Moi, qui vous parle, j’ai fait de jolis vers autrefois, j’ai même écrit un roman pour mon plaisir, pour moi tout seul, que je léguerai vierge à la postérité, après ma mort. J’ai fait, dans les journaux, quelques essais littéraires que personne n’a compris et qui me valent encore les sarcasmes de mes adversaires durant les luttes élec-

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