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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/136

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le débutant

donnant à chacun indifféremment, une éducation virile et pratique, créant des hommes libres capables de comprendre et de s’assimiler tous les progrès. De son côté, la fille du brave capitaine Marshall admettait que les lois de son pays n’étaient pas encore parfaites, que les trusts monstrueux, organisés sous l’œil bienveillant des législateurs, devenaient chaque jour une puissance de plus en plus tyrannique et onéreuse pour la grande majorité des citoyens, que l’adoration du dieu Dollar, dépassant les bornes raisonnables, détruisait tout autre sentiment parmi cette aristocratie de l’argent dont les membres se disputaient le haut du pavé à coups de millions. Et l’on finissait toujours par se mettre d’accord sur ce point que la constitution américaine était, quand même, la plus équitable, celle qui garantissait la plus grande somme de liberté au peuple, indépendamment des abus qui pouvaient résulter de son application.

Un jour que les journaux au service de ses ennemis l’avaient plus violemment attaqué que d’habitude, le traitant de conspirateur et de traître à sa race, à propos de son dernier article sur la nécessité d’enseigner plus d’anglais et moins de grec et de latin dans nos collèges classiques, l’honorable Vaillant perdit son calme habituel et eut un geste de colère. Il froissa la feuille qu’il venait de lire et la jeta à ses pieds en prononçant, d’une voix sourde : Les misérables ! À ce moment l’américaine, qui venait chercher son mari, arrivait. Elle eut le temps d’entrevoir le geste et de saisir l’expression de l’homme politique calomnié, à qui elle s’empressa d’aller tendre la main :

— J’ai lu la saleté dans le tramway. You have all my sympathy !

— Le directeur du Flambeau, ayant maîtrisé ce mouvement d’humeur, lui répondit en souriant :

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