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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/206

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le débutant

victoire succédait la défaite, et c’était toujours à recommencer.

Pour chasser la tristesse de ses trop fréquentes soirées solitaires, le jeune homme s’absorba davantage dans le travail et à la fin d’octobre son livre était terminé. Avant d’en livrer le manuscrit à l’imprimeur, il voulut connaître l’opinion de ses amis et de personnes compétentes sur la valeur de l’œuvre. Car ce n’est pas chose facile que d’écrire un roman de plus de trois cents pages, et cela représente une somme de travail considérable, une tension d’esprit qui ne laisse aucun repos tant que le dernier mot n’est pas écrit au bas de la dernière page. Et quand il a fini, il n’y a plus qu’à recommencer. Il faut retrancher, ajouter, polir, modifier certaine situation, donner de l’élan à un personnage pour qu’il aille plus vite, en exécuter un autre qui s’obstine à ne pas vouloir disparaître à temps, en rappeler un troisième qu’on avait perdu de vue. Puis, vient la correction des épreuves et l’on découvre sur la bande imprimée des phrases boiteuses, des mots que l’on jurerait ne jamais avoir écrits. Bref, le livre paraît et on n’est pas content : on voudrait avoir dit ceci plutôt que cela, on s’étonne de trouver des fautes dans le fond et dans la forme, des fautes que l’on voit comme tout le monde maintenant, et qu’on n’apercevait pas avant. C’était pourtant bien simple et on n’y a pas pensé. Le journaliste doutait de lui-même et sollicitait l’approbation d’esprits éclairés, afin de laisser le moins de prise possible à la critique malveillante dont son livre serait assurément l’objet.

Il fut convenu qu’un dimanche on se réunirait à l’atelier du peintre Lajoie, à qui Paul Mirot avait confié l’illustration du roman, et que l’auteur y ferait la lecture de son manuscrit devant les juges qu’il s’était choisis. Cette réunion eut lieu au commence-

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